durée: 00:04:57 - Un été avec Pascal - par : Antoine Compagnon - Dans le cadre de la philosophie naturelle, le moi est une réalité indubitable, dont nous avons le sentiment immédiat, mais cette réalité est incompréhensible. Chaque homme est une

31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 0205 PASCAL MOI Le moi est haĂŻssable
 Il est injuste en soi, en ce qu’il se fait centre du tout. Il est incommode aux autres, en ce qu’il les veut asservir. Car chaque moi est l’ennemi et voudrait ĂȘtre le tyran de tous les autres. » Pascal, PensĂ©es 455 Published by BERNARD ROMAIN - dans bernard-romain commenter cet article 
 Parneuromythes, on signifie de fausses croyances non fondĂ©es scientifiquement sur le fonctionnement du cerveau et sur l’apprentissage. Autant dire que l’on a autant de chances de voir la petite souris un jour que de savoir peindre un paysage sans effort au Alenzo y Nieto. Suicide. 1839. Museo romantico. Madrid Restitution de la rĂ©union du 24 avril 2019 Ă  Chevilly-Larue Animateur Guy Pannetier. ModĂ©rateur HervĂ© Donjon Introduction Thibaud SimonĂ©. Introduction Cette question, trĂšs pascalienne, a Ă©tĂ© tournĂ©e et retournĂ©e dans tous les sens depuis plusieurs siĂšcles et ce, par les plus grands penseurs. Alors, le Moi est-il vraiment haĂŻssable ? Cette question traduit-elle une obligation ou une possibilitĂ© ? Le Moi peut-il ou doit-il se haĂŻr en lui-mĂȘme ou dans son rapport Ă  l’autre ? Ainsi, comme nous le rappelle Paul Valery avec sa pertinence coutumiĂšre, Le moi est haĂŻssable mais il s’agit de celui des autres » Mais le Moi, qu’est-ce Ă  dire ? Un cogito ? Autrement dit une conscience unique, multiple et pensante sur fond de subjectivitĂ©. Nonobstant, le Moi peut tout Ă  la fois ĂȘtre individuel ou collectif sans pour autant concerner le tout ». La singularitĂ© du Moi constitue ainsi une denrĂ©e plĂ©thorique » pour reprendre la belle expression de l’écrivain Matt Ridley. En outre, le Moi ne peut-ĂȘtre sĂ©parĂ© de l’Autre, son alter ego, lui-mĂȘme se dĂ©finissant comme Moi Ă  part entiĂšre. Et Pascal de nous rappeler que le Moi est injuste en soi, en ce qu’il se fait le centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu’il veut asservir ; car chaque Moi est l’ennemi, et voudrait ĂȘtre le tyran de tous les autres » et la rencontre avec l’Autre est toujours inĂ©vitable, parfois violente et riche en prĂ©jugĂ©s, comme nous le rappelle l’essayiste Tzvetan Todorov La premiĂšre rĂ©action, spontanĂ©e, Ă  l’égard [de l’Autre] est de l’imaginer infĂ©rieur, puisque diffĂ©rent de nous ce n’est mĂȘme pas un homme, ou s’il l’est, c’est un barbare infĂ©rieur [
] » Il ajoute Peut-on vraiment aimer quelqu’un si on ignore son identitĂ©, si on voit, Ă  la place de cette identitĂ©, une projection de soi [ou du Moi] ou de son idĂ©al ? » Notre thĂšse principale Ă©tant de considĂ©rer le Moi et son Autre pour eux-mĂȘmes et non en vertu de propriĂ©tĂ©s qui, Ă  la maniĂšre d’un chausse-pied, les font entrer de force dans des catĂ©gories préétablies et dont les valeurs sont jaugĂ©es Ă  l’aune de nos propres rĂ©fĂ©rences mentales ou autres biais cognitifs rassurants. En outre, ne devons-nous pas dĂ©finir le Moi par ce qu’il fait et non par ce qu’il est ? Ne dit-on pas, Ă  l’instar de Sartre que l’existence prĂ©cĂšde l’essence ? » Nous ne pouvons que faire la triste constatation que l’idĂ©e mĂȘme d’essentialisme implique de verrouiller dĂ©finitivement la porte Ă  toute idĂ©e de variation, donnĂ©e pourtant fondamentale Ă  qui veut comprendre la rĂ©alitĂ© du monde tel qu’il se prĂ©sente Ă  nous. Si essence il y a, le dĂ©sordre en constitue la vĂ©ritable incarnation et il prĂ©existe Ă  l’ arrangement » socratique et au cosmos harmonieux et clos sur lui-mĂȘme des penseurs grecs de l’antiquitĂ©. Le monde est sans bout, le centre est partout », ce n’est qu’un gigantesque mouvement brownien sans dessein et l’évolution en constitue la substantifique moelle. Les rĂ©gularitĂ©s ne peuvent s’expliquer par des considĂ©rations transcendantes issues du monde platonicien des IdĂ©es. Nous souhaitons Ă  n’importe quel prix projeter sur l’écran de nos inconscients dont le mur de la caverne constitue Ă  mon sens une analogie des images parfaites, inaltĂ©rables et rassurantes, en lieu et place de ces flammĂšches qui naissent, se tortillent, et finissent par mourir comme pour nous rappeler toute la prĂ©caritĂ© de nos existences. Les publicitaires et les annonceurs l’ont bien compris en mettant en scĂšne dans des spots pour gogos et avec pour espoir de vendre des crĂšmes de beautĂ©s » qui ne servent Ă  rien, des ĂȘtres dĂ©ifiĂ©s et Ă©ternellement jeunes. Que penser Ă©galement de ces gens, qui font appellent aux tous derniers rĂ©sultats des neurosciences afin de s’introduire par effraction dans le cerveau du consommateur pour lui promettre monts et merveilles ? Consommez et vous serez heureux ! En rĂ©alitĂ©, ce sont les gens heureux qui ne consomment pas. Que penser Ă©galement de ces mises en scĂšne pathĂ©tiques oĂč l’on assĂšne avec brutalitĂ© aux jeunes adolescentes de ressembler Ă  telle ou telle star » dĂ©cĂ©rĂ©brĂ©e de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© qui devient, ipso facto, le modĂšle, l’icĂŽne, le moule ? Le Moi individuel Ă  son acmĂ© ! Peut-on vraiment se rĂ©aliser en tant qu’individu face Ă  ce matraquage permanent ? Que devient alors notre unicitĂ© ? Le Moi n’est-il pas phagocytĂ© par lui-mĂȘme ? Le Moi devenant Narcisse n’est-il pas comme ce batracien se prenant pour un bƓuf qui ne cesse d’enfler comme pour masquer sa petitesse, son imposture. Le Moi devient de fait sa propre idole, il se dĂ©guise derriĂšre un pseudo et contamine les rĂ©seaux sociaux dĂ©clarant vrai ce qu’il aime plutĂŽt que d’aimer ce qui est vrai. Le Moi n’est-il alors pas haĂŻssable du simple fait de se refuser Ă  lui-mĂȘme ? N’est-il pas plus commode de paraĂźtre que d’ĂȘtre ? N’est-il pas plus aisĂ© et moins dispendieux d’ĂȘtre aveuglĂ© que lucide ? Le Moi ne doit-il pas penser Ă  rebours de lui-mĂȘme, lĂ  oĂč se cache la pensĂ©e critique ? Finalement, ne pĂȘchons-nous pas par paresse ? Paresse psychologique et intellectuelle encouragĂ©e par la publicitĂ© et les mĂ©dias et faisant de nous des ĂȘtres ne pouvant se rĂ©aliser qu’à travers la possession. Claude LĂ©vi-Strauss, un de nos grands penseurs du XXĂšme siĂšcle, avait vu juste dans La pensĂ©e sauvage » quand il affirme que chaque civilisation [chaque individu] a tendance Ă  surestimer l’orientation objective de sa pensĂ©e ». En outre, comme il nous l’explique, l’humanisme le plus pertinent consiste Ă  voir et Ă  apprĂ©hender le monde dans son ensemble pour finir par se considĂ©rer soi-mĂȘme et non l’inverse, travers que nous empruntons bien trop souvent. Pourtant, nous devons tous ĂȘtre conscients que l’observation des autres implique le dĂ©centrement de soi », comme Claude LĂ©vi-Strauss, nous le rappelle encore, notamment dans son ouvrage essentiel Race et histoire » que je me permets de citer Une premiĂšre constatation s’impose la diversitĂ© des cultures humaines est, en fait dans le prĂ©sent, en fait et aussi en droit dans le passĂ©, beaucoup plus grande et plus riche que tout ce que nous sommes destinĂ©s Ă  en connaĂźtre jamais [
] La notion de la diversitĂ© des cultures humaines ne doit pas ĂȘtre conçue d’une maniĂšre statique. [
] » Ainsi, toute culture est le rĂ©sultat de nombreuses hybridations faites d’emprunts, d’ajouts, de mĂ©langes. Pourtant, bien que ces Ă©changes, qu’ils soient culturels ou biologiques, soient constatĂ©s et avĂ©rĂ©s, nous tendons naturellement vers l’ethnocentrisme, piĂšge gravitationnel dĂ©formant notre espace-temps humain » qui nous pousse Ă  dĂ©clarer presque d’une seule voix le barbare c’est l’autre ! » Ainsi certains peuples ont voulu imposer les lumiĂšres de leur civilisation aux autres peuples, ont voulu combattre pour la perfection d’autrui, plutĂŽt que de soi ». Comme le prĂ©cisait Gaston Bachelard, la lumiĂšre projette toujours des ombres » et c’est toujours au nom du bien que l’on fait le mal. Quand le Moi collectif » et politique impose la libertĂ©, n’y a-t-il pas contradiction dans les termes ? Pour autant, malgrĂ© des heures sombres qui ponctuent notre histoire, il est utile voire indispensable de ne pas tomber dans une sorte d’identitĂ© malheureuse ». Le devoir de mĂ©moire, si tant est que la mĂ©moire est un devoir, ne doit pas nous conduire Ă  une auto flagellation permanente. Mais enfin, le Moi n’est-il pas un roi nu, invisible Ă  lui-mĂȘme, acteur principal d’une farce ubuesque et rĂ©clamant force bienveillance pour lui-mĂȘme et envers lui-mĂȘme ? Rappelez-vous la mĂ©taphore de la poutre et de la paille de l’évangile selon Matthieu. Pourtant dans les rapports humains, la bienveillance a, bien Ă©videmment sa place. Mais la bienveillance, Ă©rigĂ©e comme principe peut s’avĂ©rer extrĂȘmement nuisible. Elle peut ainsi conduire Ă  prendre en compte toutes les diffĂ©rences individuelles, les singularitĂ©s de chacun et ainsi, par ce truchement, pulvĂ©riser les notions de communautĂ© et d’égalitĂ©. A chacun alors, selon ses plaintes, ses besoins, ses victimisations. » , ainsi que le souligne le philosophe Yves Michaud. Elle est ainsi une maniĂšre de nous aveugler Ă  la rĂ©alitĂ© du monde et d’acheter Ă  un prix exorbitant la paix sociale en Ă©loignant l’individu de ses responsabilitĂ©s et en poussant la communautĂ© Ă , systĂ©matiquement, rĂ©parer et assumer ses erreurs. Elle engendre des individus muĂ©s par un narcissisme exacerbĂ© et ne supportant plus la frustration. Cette bienveillance totalitaire s’est muĂ©e en complaisance qui garantit la susceptibilitĂ© du Moi, devenu extrĂȘmement chatouilleux Ă  la moindre critique, et ne supportant plus le dĂ©bat d’idĂ©es. Enfin, si l’on en croit le physicien Albert Einstein l’authentique valeur d’un homme [se mesure] d’aprĂšs une seule rĂšgle Ă  quel degrĂ© et dans quel but l’homme s’est libĂ©rĂ© de son Moi ? » Dans ces conditions, peut-ĂȘtre viendra le temps de la grande rĂ©conciliation
 Celle des autres et du Moi et du Moi envers lui-mĂȘme. Mais le penser n’est-ce pas lĂ  plutĂŽt la grande utopie ? DĂ©bat ⇒ Qui s’examine, qui consulte son moi profond, et y trouve une blanche colombe, Ă  celui-lĂ , Ă  celle- lĂ , je lui tends son aurĂ©ole. Je connais la part noire qui est en moi, j’en connais la part de bontĂ©, et d’amour des autres Être humain, c’est savoir pardonner aux hommes de n’ĂȘtre que ce qu’ils sont » Essais § 13. Depuis longtemps je fais mienne cette gĂ©nĂ©reuse maxime. J’ai, avec les annĂ©es appris Ă  mieux me connaĂźtre, comme Ă  connaĂźtre les autres, et cela m’amĂšne tant Ă  leur pardonner de ne pas ĂȘtre parfaits, que me pardonner d’ĂȘtre loin d’ĂȘtre parfait. Vouloir l’homme, la femme, parfaits, est une dĂ©marche sans issue. C’est celle d’Alceste, le misanthrope, qui par trop d’exigence, par l’amour de l’ĂȘtre qu’il voudrait parfait, entitĂ© inaccessible, le punit, en le montrant haĂŻssable. Mais Alceste se dĂ©teste lui-mĂȘme, ce qui nous rappelle que la haine des autres, entraĂźne, aussi, la haine de soi. J’ai du mal Ă  ressentir de la haine pour mon prochain, et charitĂ© bien ordonnĂ©e j’ai encore plus de mal Ă  ressentir de la haine de moi-mĂȘme. Il faut ĂȘtre un illuminĂ© comme Pascal pour Ă©mettre cette idĂ©e. Comment Pascal, croyant comme il l’était, pouvait-il Ă  ce point haĂŻr la crĂ©ature qui suivant sa religion est crĂ©e par son Dieu ? Dans le propos du moi haĂŻssable citĂ© dans l’introduction lequel est un dialogue, Pascal parle du Moi qui n’est nĂ©cessairement lui son Moi, en quelque sorte et il parle du Moi de chacun, et ceci avant Freud et les trois instances du Moi ». Bien sĂ»r qu’il se veut parfois ĂȘtre dominateur, ce moi », et alors vouloir asservir les autres, en ĂȘtre le tyran, alors oui, celui-lĂ  est haĂŻssable. Mais c’est bien lĂ  dans l’esprit de Pascal qui ne voit que l’homme mauvais. Pour un religieux illuminĂ©, un croyant d’une religion qui prĂŽne l’amour de l’autre, Pascal est une sorte de terroriste de sa religion. Et sur ce thĂšme du moi haĂŻssable », on peut retenir du mĂȘme Pascal quelques pensĂ©es toujours dans ce sens pensĂ©es pour le moins haĂŻssables La vraie et unique vertu est de se haĂŻr. » Fragment 485/564 Ou Il faut n’aimer que Dieu et ne haĂŻr que soi. » Fragment 373 
 Et enfin, cette autre pensĂ©e Nous naissons si contraires Ă  cet amour de Dieu, il est nĂ©cessaire que nous naissions coupables, ou Dieu serait injuste. » Fragment 429/205. Tous ces prĂȘcheurs de vertu ont fait le malheur du monde. La haine de soi pour ĂȘtre aimĂ© d’un dieu, me semble ĂȘtre une grosse nĂ©vrose. Cela nous a donnĂ© le port du cilice, ceinture autour des reins en poils de chĂšvre, ainsi que les flagellations, des actes d’auto-mutilation, les mortifications, mot qui vient du latin mortificare » faire mourir. Si vous vivez suivant la chair, vous mourrez » dit saint Paul, c’est pour lui, faites mourir les besoins, les dĂ©sirs du corps et vous vivrez. Je conclus cette premiĂšre intervention avec cette formule Il n’est de pire haine que la haine de soi, car elle vous interdit d’aimer les autres » Jean-Michel Goldberg ⇒ La personne que je connais le mieux, c’est moi, et ce moi n’est que la somme de mes expĂ©riences, de mes lectures, des autres, etc
 Il ne peut ĂȘtre haĂŻssable, ceci dans le sens oĂč je sais me mettre Ă  la place des autres, par exemple quand ils ont fait une grosse bĂȘtise. Ce sont les philosophes, comme Montaigne, Spinoza et Diderot, qui m’ont aidĂ©e Ă  me forger ce moi » tolĂ©rant et libre Ă  la fois. ⇒ Freud nous dit qu’il y a trois instances de notre personnalitĂ©. Le ça » qui manifeste ses pulsions, ses dĂ©sirs directs dĂšs l’enfance. Et c’est Ă  l’éducation des parents qu’il revient de contenir, de contrĂŽler ses pulsions, apprendre Ă  l’enfant qu’il n’existe pas seul, c’est lĂ  que commence Ă  se construire le surmoi ». Et il se crĂ©e le moi » mĂ©diateur entre ces deux instances, celui qui aussi dĂ©finit les interdits. ⇒ Est-ce que ce serait ce surmoi » ce petit juge » qui peut amener la dĂ©testation de soi jusqu’à la haine de soi ? Et de lĂ  peut ĂȘtre amener jusqu’au suicide. La question primordiale reste comment quelqu’un peut-il en arriver Ă  se haĂŻr ? Se dĂ©saimer jusqu’à ce point ? ⇒ On est dans l’approche psychanalytique, on ramĂšne tous ces concepts comme si c’était des outils. Le surmoi » c’est le rĂ©gulateur, le moi » le mĂ©diateur, face au ça » qui est enfoncĂ© dans ses pulsions animales. Mais avec ces outils, on oublie l’identitĂ©. Les gens qui sont Ă©ducateurs dans des quartiers difficiles » ne parlent jamais du moi ». Au-delĂ  des outils de psychanalyse, les gens qui s’aiment ou qui ne s’aiment pas, ça passe par est-ce que je me reconnais une identitĂ© ? Et le travail des ces Ă©ducateurs, ça consiste Ă  essayer de faire comprendre Ă  ceux qui ne s’aiment pas qu’ils ont une identitĂ©. IdentitĂ© sur laquelle ils peuvent jouer bien sĂ»r, pour, premiĂšrement la mieux voir ou la modifier, ce qui modifie le regard des autres, et lĂ  on rejoint l’aspect collectif. C’est que l’identitĂ© individuelle ne se forge pas que par rapport Ă  soi-mĂȘme, avec les outils de psychanalyse citĂ©s, mais elle se forme aussi par rapport au regard des autres. Et quand on pose la question de, pourquoi y en a-t-il qui se haĂŻssent, d’autres qui s’aiment, Je pense qu’il ne faut pas oublier la notion de est-ce que je me reconnais une identitĂ© ? Est-ce que les autres me reconnaissent une identitĂ© ? Freud a fait une analyse qui est de la mĂ©canique du fonctionnement de l’Être, psychanalyse qui marche ou pas. La premiĂšre analyse que Freud a faite, la nana » s’est suicidĂ©e, s’était-elle haĂŻe encore plus ? ⇒ Je me demande comment l’enfant qui a vĂ©cu dans un milieu protĂ©gĂ©, lorsqu’il rencontre le monde avec ses prĂ©dateurs, va construire ce moi », et comment vont s’arranger ces trois instances. Comme se construire, ĂȘtre rĂ©el ? Comment ne pas montrer un faux-moi », et de lĂ  ne plus ĂȘtre trĂšs crĂ©dible Ă  soi-mĂȘme. ⇒ D’une certaine façon on est tous en reprĂ©sentation Ă  des degrĂ©s diffĂ©rents. Mais qui peut se targuer de connaĂźtre vraiment le moi » de l’autre ? Personne ! MĂȘme je pense qu’aprĂšs des dĂ©cennies de vie commune, il y a toujours des zones d’ombre. Zones qui ne sont pas forcĂ©ment dissimulĂ©es Ă  dessein. Et je pense que c’est tant mieux, parce que c’est un mĂ©canisme de protection, je pense mĂȘme que c’est un gage de survie de ce vrai nous ». Et je me demande si les gens qui traĂźnent les coups reçus par les prĂ©dateurs » ne sont pas aussi ceux qui n’ont pu se dĂ©barrasser du moi » de l’enfance. On en revient Ă  cette phrase dĂ©jĂ  citĂ©e d’Einstein qui nous dit L’authentique valeur d’un homme se mesure d’aprĂšs une seule rĂšgle Ă  quel degrĂ© et dans quel but l’homme s’est libĂ©rĂ© de son moi ? » ⇒ J’ai retenu cette notion du faux-moi ». Je pense que tricher avec soi-mĂȘme, Ă  moins d’avoir un Ă©norme ego, ça peut gĂ©nĂ©rer Ă  terme, la mĂ©sestime de soi. Mais ne pas tricher, obĂ©ir au surmoi », cela a un prix, cela peut coĂ»ter cher, cela peut faire obstacle Ă  ce qui aurait Ă©tĂ© une rĂ©ussite financiĂšre. Mais le petit juge » est lĂ , il veille Ă  ton intĂ©gritĂ©, sinon, plus tard quand tu vas te rencontrer, tu vas changer de trottoir. Et je reviens sur Pascal, lequel aurait pu ĂȘtre aujourd’hui un bon dialecticien de l’embrigadement terroriste. Les recruteurs avec leur manipulation du langage, expliquent Ă  des esprits simples comment en trahissant leur religion, ils doivent devenir purs, se racheter Ne vous Ă©tonnez pas » Ă©crit Pascal dans les PensĂ©es de voir des personnes simples croire sans raisonner. Dieu leur donne l’amour de soi et la haine d’eux-mĂȘmes ». Trahissant leur religion, ils se trahissent eux-mĂȘmes, ils trahissent leur famille tous les musulmans, ceci en buvant de l’alcool, en frĂ©quentant ; des filles mĂ©crĂ©antes », en se laissant europĂ©aniser. Il s’ensuit culpabilitĂ©, jusqu’à la haine de soi, qui appelle un rachat, comme chez Pascal jusqu’au rachat par le sacrifice. Vous trouverez toute cette sĂ©mantique dans des vidĂ©os racoleuses sur YouTube. La haine, haine de soi, passion triste est un bon filon Ă  exploiter, pour amener des gens Ă  des actions punitives pour satisfaire sa propre haine, car ses prĂ©dicateurs de malheur eux ne se font pas martyrs. ⇒ Dans le livre d’Einstein Comment je vois le monde » celui-ci explique qu’il n’existe pas seulement en tant que crĂ©ature individuelle, mais je » se dĂ©couvre membre d’une grande communautĂ© humaine. Cela rejoint cette idĂ©e de la valeur du moi » 
à quel degrĂ© et dans quel but l’homme se libĂšre de son moi ».Et c’est intĂ©ressant si nous regardons plus que le moi » personnel, mais le moi » social. ⇒ On parle d’un surmoi » mais l’animal social vit dans un surnous » que nous impose la sociĂ©tĂ©, avec ses interdits, avec ses tabous. C’est je ne peux pas faire ceci, je ne peux faire cela, ce n’est plus que le surmoi » qui nous interdit, c’est le surnous ». C’est tellement ancrĂ© en nous qu’on ne se pose plus la question du pourquoi de l’interdit. On se construit d’une façon qui ne nous va pas toujours. Ainsi j’ai un ami homosexuel Ă  qui on ne cesse de casser les pieds avec une notion de famille, cela finit par le traumatiser. L’interdit collectif peut entraĂźner une certaine mĂ©sestime de soi. On en revient Ă  une identitĂ© reconnue et acceptĂ©e ; acceptĂ©e par soi et par la collectivitĂ©. Si on ne trouve pas comme se positionner, on peut en venir Ă  haĂŻr les autres, et Ă  se haĂŻr soi-mĂȘme. ⇒ Dans le prolongement de ce propos, je pense aux adolescents, adolescentes, qui se dĂ©couvrent homosexuels les et qui se suicident parce que la sociĂ©tĂ© impose ses normes, et ils se disent, je ne vais pas ĂȘtre acceptĂ©e par la sociĂ©tĂ©, dans ma famille, cette identitĂ© va m’ĂȘtre refusĂ©e. Cette haine du diffĂ©rent qui peut entraĂźner haine de soi, est parfois un drame. ⇒ Je me demande si chez le criminel qui trouve plaisir Ă  tuer, ou comme chez certains pĂ©dophiles qui jouissent de la souffrance de leurs victimes, il n’y a pas lĂ  dans cette pulsion du mal, le vrai moi haĂŻssable » ? ⇒ Les personnes qui ne peuvent surmonter un viol, peuvent avoir ce sentiment de haine de soi. Sentiment d’avoir Ă©tĂ© salis es, et de lĂ  ne plus pouvoir s’accepter. ⇒ La haine de soi peut dĂ©couler d’un sentiment de ne pas ĂȘtre aimĂ©. Si l’on ne m’aime pas, c’est parce que je ne mĂ©rite pas d’ĂȘtre aimĂ©. Et le chantre de la haine de soi s’appelle Cioran, philosophe d’origine roumaine mort Ă  Paris en 1995. La listes des ses principaux livres est rĂ©vĂ©latrice De l’inconvĂ©nient d’ĂȘtre nĂ© » – La tentation d’exister » – Sur les cimes du dĂ©sespoir » Si vous lisez les Ɠuvres de Cioran, vous n’en sortirez pas forcĂ©ment indemnes, les Ɠuvres de Cioran devraient ĂȘtre vendues avec un tube de barbituriques. Quelques extraits pour illustrer Nous ne courons pas vers la mort, nous fuyons la catastrophe de la naissance
 » 
 se suicider c’est le geste d’un optimiste » Déçus par tous, il est inĂ©vitable qu’on arrive Ă  l’ĂȘtre par soi-mĂȘme, Ă  moins qu’on ait commencĂ© par lĂ  ». Aveux et anathĂšmes. 1987 Plus nous avons le sentiment de notre insignifiance, plus nous mĂ©prisons les autres, et ils cessent mĂȘme d’exister pour nous quand nous illumine l’évidence de notre rien. Nous n’attribuons quelque rĂ©alitĂ© Ă  autrui que dans la mesure oĂč nous n’en dĂ©couvrons pas en nous-mĂȘmes » La chute du temps. 1964 Et je ne rĂ©siste pas Ă  citer cette derniĂšre Ma mission est de tuer le temps, et la sienne de me tuer Ă  son tour. On est tout Ă  fait Ă  l’aise entre assassins » EcartĂšlement. 1979 Ils’est adressĂ© Ă  ses fans pour leur expliquer pour expliquer qu'il est atteint d’une douloureuse paralysie du visage. Pascal Groulx est en fait atteint de la paralysie de Bell, une paralysie faciale qui apparaĂźt soudainement et qui frappe habituellement en partie ou totalement un cĂŽtĂ© du visage. Il faut dire que plusieurs abonnĂ©s
Le dĂ©but du fragment semble indiquer qu’il devait prendre place au sein de l’apologie aujourd’hui classĂ© parmi les PensĂ©es mĂȘlĂ©es », il aurait tout aussi bien pu gurer dans la liasse MisĂšre » non pas VanitĂ© », car le sens de cette derniĂšre liasse est particulier chez Pascal. Si tel est le cas, on peut supposer que le scripteur en est Salomon. Mais alors Pascal se serait-il si bien imprĂ©gnĂ© du personnage que celui-ci en serait venu Ă  prendre ses libertĂ©s au point de parler au nom de Salomon moi qui Ă©cris [...] » ? Serait-ce donc Salomon qui, avec quelque impertinence, avouerait nourrir son amour-propre de papier dans l’écriture de sa propre apologie ? Il est troublant d’observer que d’autres fragments laissent place Ă  une mĂȘme ambiguĂŻtĂ©, comme J’écrirai ici mes pensĂ©es sans ordre, et non pas peut-ĂȘtre dans une confusion sans dessein. [...] Je ferais trop d’honneur Ă  mon sujet, si je le traitais avec ordre [...].32 » Le fragment entend rĂ©pondre au Pyrrhonisme » qui conteste toute possibilitĂ© de discours ordonnĂ© logiquement dans la description de l’homme. Mais si Pascal semble bien orienter la thĂ©matique de son fragment sous l’égide de cette secte », il n’en reste pas moins que ce moi » qui parle est Ă©trange tout se passe comme si, avant mĂȘme la rĂ©daction nale, il s’était dĂ©jĂ  mis dans la peau d’un autre. Serait-ce ce dernier qui aurait pris la main ? On observe une mĂȘme tendance avec StĂ©pane il est capable de se regarder comme de l’extĂ©rieur. ConcrĂštement, il sait quand grandit en lui un sentiment d’orgueil, mĂȘme s’il n’y peut rien faire savoir que son envie d’écrire sans rĂ©serve s’avĂšre parfois futile ou moralement douteuse ne l’empĂȘche pas de le faire. 1 Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m'aime-t-on moi ? Non, car je puis perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi. OĂč est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'Ăąme ? Et comment aimer le corps ou l'Ăąme sinon pour ces qualitĂ©s, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont pĂ©rissables ?33 2 ĐąĐŸŃ‚Ń‡Đ°Ń жД ĐżĐŸ ĐČĐŸĐ·ĐČŃ€Đ°Ń‰Đ”ĐœĐžĐž Оз ĐŸĐ”Ń‚Đ”Ń€Đ±ŃƒŃ€ĐłĐ° ВарĐČара ĐŸĐ”Ń‚Ń€ĐŸĐČĐœĐ° ĐŸŃ‚ĐżŃ€Đ°ĐČОла Юруга сĐČĐŸĐ”ĐłĐŸ за ĐłŃ€Đ°ĐœĐžŃ†Ńƒ ĐŸŃ‚ĐŽĐŸŃ…ĐœŃƒŃ‚ŃŒ » ĐĄŃ‚Đ”ĐżĐ°Đœ ĐąŃ€ĐŸŃ„ĐžĐŒĐŸĐČоч ĐżĐŸĐ”Ń…Đ°Đ» с ĐČĐŸŃŃ‚ĐŸŃ€ĐłĐŸĐŒ. ĐĐŸ с пДрĐČых жД ĐżĐžŃĐ”ĐŒ Оз Đ‘Đ”Ń€Đ»ĐžĐœĐ° ĐŸĐœ Đ·Đ°Ń‚ŃĐœŃƒĐ» сĐČĐŸŃŽ ĐČŃĐ”ĐłĐŽĐ°ŃˆĐœŃŽŃŽ ĐœĐŸŃ‚Ńƒ. ХДрЎцД Ń€Đ°Đ·Đ±ĐžŃ‚ĐŸ, – пОсал ĐŸĐœ ВарĐČа рД ĐŸĐ”Ń‚Ń€ĐŸĐČĐœĐ”, – ĐœĐ” ĐŒĐŸĐłŃƒ Đ·Đ°Đ±Ń‹Ń‚ŃŒ ĐœĐžŃ‡Đ”ĐłĐŸ! Đ—ĐŽĐ”ŃŃŒ, ĐČ Đ‘Đ”Ń€Đ»ĐžĐœĐ”, ĐČсД 33S. 567. 32S. 457, p. 321 ; L. VI, 1, p. 172. compte, il se prenait Ă  s’exprimer dans un sens humoristique. Or Varvara Petrovna ne craignait rien tant que le sens humoristique. », Les DĂ©mons, p. 38. ĐœĐ°ĐżĐŸĐŒĐœĐžĐ»ĐŸ ĐŒĐœĐ” ĐŒĐŸĐ” ŃŃ‚Đ°Ń€ĐŸĐ”, ĐżŃ€ĐŸŃˆĐ»ĐŸĐ”, пДрĐČыД ĐČĐŸŃŃ‚ĐŸŃ€ĐłĐž Đž пДрĐČыД ĐŒŃƒĐșĐž. ГЎД, ĐœĐ°ĐșĐŸĐœĐ”Ń†, я, я ŃĐ°ĐŒ, ĐżŃ€Đ”Đ¶ĐœĐžĐč я, ŃŃ‚Đ°Đ»ŃŒĐœĐŸĐč ĐżĐŸ сОлД Đž ĐœĐ”ĐżĐŸĐșĐŸĐ»Đ”Đ±ĐžĐŒŃ‹Đč, ĐșаĐș ŃƒŃ‚Đ”Ń .34 Pascal, observe Vincent Carraud35, est l’inventeur de l’usage substantivĂ© du moi » dans la langue française aprĂšs que Descartes a opĂ©rĂ© le tournant en latin, ego ille », le moi. DĂ©sormais, peu importe de savoir qui parle c’est la formulation, de laquelle naĂźt une distance interne au sujet, qui compte. Le titre du fragment met en Ă©vidence cette Ă©trange tournure Qu’est-ce que le moi ? », et non plus, par exemple, qui suis-je ? » Les deux questions semblent introduire a priori un mĂȘme clivage dans le sujet, mais l’expression pascalienne est plus Ă©loquente, plus choquante, Ă©voquant davantage un oĂč suis je ? », oĂč est le “je” ? ». Ceci donne lieu Ă  des expressions qui interrogent les limites de la langue dans le m’aime-t-on moi ? », les termes m’ et moi paraissent redondants, mais en mĂȘme temps il existe une di Ă©rence, dans la mesure oĂč l’individu a une intuition de sa singularitĂ© c’est le m’ sans qu’il sache oĂč la placer c’est le moi. Une forme de vertige s’instaure. StĂ©pane entre dans ce gou re son existence est partagĂ©e entre un avant » la vie grandiose en Europe, l’idĂ©al rĂ©publicain et un maintenant » la vie misĂ©rable en Russie, la conscience de l’impossibilitĂ© de la justice. LittĂ©ralement, il ne se reconnaĂźt nulle part. On observe un usage similaire de la substantivation mon ancien moi » avec toutefois quelque dĂ©calage la façon dont est prononcĂ©e cette redondance tend Ă  faire penser que le personnage Ă©prouve un goĂ»t pour les jeux de mots, pour l’aspect matĂ©riel de la langue. En langue russe, en e et, la dĂ©rivation est encore plus lourde dans la mesure oĂč le je » est traduit par я », ce qui crĂ©e une triple homologie morphologique et phonĂ©tique я, я ŃĐ°ĐŒ, ĐżŃ€Đ”Đ¶ĐœĐžĐč я ». Ce qui nous amĂšne Ă  une derniĂšre forme d’étrangetĂ© 1 La maniĂšre d'Ă©crire d'EpictĂšte, de Montaigne et de Salomon de Tultie est la plus d'usage, qui s'insinue le mieux, qui demeure plus dans la mĂ©moire et qui se fait le plus citer, parce qu'elle est toute composĂ©e de pensĂ©es nĂ©es sur les entretiens ordinaires de la vie, comme quand on parlera de la commune erreur qui est dans le monde que la lune est cause de tout, on ne manquera jamais de dire que Salomon de Tultie dit que lorsqu'on ne sait pas la 35CARRAUD, Vincent, Qui est le moi ? », Les Études philosophiques, n. 1-88, 2009, p. 63. 34 DĂšs son retour de PĂ©tersbourg, Varvara Petrovna envoya son ami Ă  l’étranger pour “ se reposer”. [...] StĂ©pane Tro movitch partit avec enthousiasme. [...] Mais dĂšs les premiĂšres lettres de Berlin, ce fut sa litanie habituelle “Mon cƓur est brisĂ©, Ă©crivait-il Ă  Varvara Petrovna, je ne puis rien oublier. Ici, Ă  Berlin, tout me rappelle les jours anciens, mon passĂ©, mes premiers enthousiasmes et mes premiĂšres sou rances. [...] OĂč suis-je, en n, moi-mĂȘme, mon ancien moi, acier par la force et inĂ©branlable comme un roc [...]. », Les DĂ©mons, p. 54. vĂ©ritĂ© d'une chose il est bon qu'il y ait une erreur commune, etc. qui est la pensĂ©e de l'autre cĂŽtĂ©.36 2 ĐŻ ĐżĐŸĐżŃ€ĐŸŃĐžĐ» Đ”ĐłĐŸ ĐČыпоть ĐČĐŸĐŽŃ‹; я ДщД ĐœĐ” ĐČОЎал Đ”ĐłĐŸ ĐČ Ń‚Đ°ĐșĐŸĐŒ ĐČОЎД. ВсД ĐČŃ€Đ”ĐŒŃ, ĐżĐŸĐșа ĐłĐŸĐČĐŸŃ€ĐžĐ», ĐŸĐœ бДгал Оз угла ĐČ ŃƒĐłĐŸĐ» ĐżĐŸ ĐșĐŸĐŒĐœĐ°Ń‚Đ”, ĐœĐŸ ĐČЮруг ĐŸŃŃ‚Đ°ĐœĐŸĐČĐžĐ»ŃŃ ĐżŃ€Đ”ĐŽĐŸ ĐŒĐœĐŸĐč ĐČ ĐșаĐșĐŸĐč-Ń‚ĐŸ ĐœĐ”ĐŸĐ±Ń‹Ń‡Đ°ĐčĐœĐŸĐč ĐżĐŸĐ·Đ”. – ĐĐ”ŃƒĐ¶Đ”Đ»Đž ĐČы ĐŽŃƒĐŒĐ°Đ”Ń‚Đ”, – ĐœĐ°Ń‡Đ°Đ» ĐŸĐœ ĐŸĐżŃŃ‚ŃŒ с Đ±ĐŸĐ»Đ”Đ·ĐœĐ”ĐœĐœŃ‹ĐŒ ĐČŃ‹ŃĐŸĐșĐŸĐŒĐ”Ń€ĐžĐ”ĐŒ, ĐŸĐłĐ»ŃĐŽŃ‹ĐČая ĐŒĐ”ĐœŃ с ĐœĐŸĐł ĐŽĐŸ ĐłĐŸĐ»ĐŸĐČы, – ĐœĐ”ŃƒĐ¶Đ”Đ»Đž ĐČы ĐŒĐŸĐ¶Đ”Ń‚Đ” ĐżŃ€Đ”ĐŽĐżĐŸĐ»ĐŸĐ¶ĐžŃ‚ŃŒ, Ń‡Ń‚ĐŸ я, ĐĄŃ‚Đ”ĐżĐ°Đœ Đ’Đ”Ń€Ń…ĐŸĐČĐ”ĐœŃĐșĐžĐč, ĐœĐ” ĐœĐ°ĐčЎу ĐČ ŃĐ”Đ±Đ” ŃŃ‚ĐŸĐ»ŃŒĐșĐŸ ĐœŃ€Đ°ĐČстĐČĐ”ĐœĐœĐŸĐč сОлы, Ń‡Ń‚ĐŸĐ±Ń‹, ĐČĐ·ŃĐČ ĐŒĐŸŃŽ ĐșĐŸŃ€ĐŸĐ±Đșу, – ĐœĐžŃ‰Đ”ĐœŃĐșую ĐșĐŸŃ€ĐŸĐ±Đșу ĐŒĐŸŃŽ! – Đž ĐČĐ·ĐČалОĐČ Đ”Đ” ĐœĐ° слабыД плДчО, ĐČыĐčто за ĐČĐŸŃ€ĐŸŃ‚Đ° Đž ĐžŃŃ‡Đ”Đ·ĐœŃƒŃ‚ŃŒ ĐŸŃ‚ŃŃŽĐŽĐ° ĐœĐ°ĐČĐ”ĐșĐž, ĐșĐŸĐłĐŽĐ° Ń‚ĐŸĐłĐŸ ĐżĐŸŃ‚Ń€Đ”Đ±ŃƒĐ”Ń‚ Ń‡Đ”ŃŃ‚ŃŒ Đž ĐČДлОĐșĐžĐč ĐżŃ€ĐžĐœŃ†ĐžĐż ĐœĐ”Đ·Đ°ĐČĐžŃĐžĐŒĐŸŃŃ‚Đž? ĐĄŃ‚Đ”ĐżĐ°ĐœŃƒ Đ’Đ”Ń€Ń…ĐŸĐČĐ”ĐœŃĐșĐŸĐŒŃƒ ĐœĐ” ĐČ ĐżĐ”Ń€ĐČыĐč раз ĐŸŃ‚Ń€Đ°Đ¶Đ°Ń‚ŃŒ ĐŽĐ”ŃĐżĐŸŃ‚ĐžĐ·ĐŒ ĐČДлОĐșĐŸĐŽŃƒŃˆĐžĐ”ĐŒ, Ń…ĐŸŃ‚Ń бы Đž ĐŽĐ”ŃĐżĐŸŃ‚ĐžĐ·ĐŒ ŃŃƒĐŒĐ°ŃŃˆĐ”ĐŽŃˆĐ”Đč Đ¶Đ”ĐœŃ‰ĐžĐœŃ‹, Ń‚ĐŸ Đ”ŃŃ‚ŃŒ ŃĐ°ĐŒŃ‹Đč ĐŸĐ±ĐžĐŽĐœŃ‹Đč Đž Đ¶Đ”ŃŃ‚ĐŸĐșĐžĐč ĐŽĐ”ŃĐżĐŸŃ‚ĐžĐ·ĐŒ, ĐșаĐșĐŸĐč Ń‚ĐŸĐ»ŃŒĐșĐŸ ĐŒĐŸĐ¶Đ”Ń‚ ĐŸŃŃƒŃ‰Đ”ŃŃ‚ĐČоться ĐœĐ° сĐČДтД, ĐœĐ”ŃĐŒĐŸŃ‚Ń€Ń ĐœĐ° Ń‚ĐŸ Ń‡Ń‚ĐŸ ĐČы сДĐčчас, ĐșĐ°Đ¶Đ”Ń‚ŃŃ, ĐżĐŸĐ·ĐČĐŸĐ»ĐžĐ»Đž сДбД ŃƒŃĐŒĐ”Ń…ĐœŃƒŃ‚ŃŒŃŃ ŃĐ»ĐŸĐČĐ°ĐŒ ĐŒĐŸĐžĐŒ, ĐŒĐžĐ»ĐŸŃŃ‚ĐžĐČыĐč ĐłĐŸŃŃƒĐŽĐ°Ń€ŃŒ ĐŒĐŸĐč!37 Tout d’abord, mĂȘme problĂšme que dans le premier parallĂšle Pascal parle-t-il de Salomon ou Salomon de Salomon lui-mĂȘme ? Pour M. Le Guern, la chose ne fait pas de doute C’est la distance créée par ce jeu de rĂŽle qui permet Ă  Pascal de faire une remarque sur “la maniĂšre d’écrire de Salomon de Tultie”. Pascal ne pourrait pas parler de sa propre maniĂšre d’écrire, il peut parler de la maniĂšre d’écrire de son Mais le critique n’est-il pas trop cartĂ©sien ? DostoĂŻevski, en tout cas, pencherait davantage pour la deuxiĂšme possibilitĂ©. Dans l’extrait 2, Varvara vient de dĂ©cider subitement que le vieux sage Ă©tait un homme mariĂ© », qu’on le ançait Ă  Daria, et qu’ainsi sa libertĂ© » Ă©tait perdue sans qu’il ait un mot Ă  dire. Il s’émeut alors comme rarement, et le voilĂ  qui, devant G., prend une pose extraordinaire ». Tout au long de sa vie, StĂ©pane s’est constituĂ© un pro l de grandeur d’ñme » face Ă  toutes sortes d’ennemis oppressifs et celle-ci en est venue Ă  prendre une telle dimension qu’elle apparaĂźt Ă  StĂ©pane comme un Ă©lĂ©ment arti ciel, Ă  sa disposition. Il y a d’un cĂŽtĂ© un StĂ©pane commun, un StĂ©pane du quotidien, et de l’autre un StĂ©pane-o ciel qu’il peut porter en e gie. Il nous semble mĂȘme que cette distorsion permette 38LEGUERN, Michel, Etudes sur la vie et les PensĂ©es de Pascal, Paris, HonorĂ© Champion, 2015, p. 206-207. 37 Je le priai de boire de l’eau ; je ne l’avais jamais encore vu dans cet Ă©tat. Pendant tout le temps qu’il parla, il arpenta vivement la piĂšce, mais brusquement il s’immobilisa devant moi dans une pose extraordinaire. – Est-il possible que vous pensiez, reprit-il avec une douloureuse hauteur en me toisant des pieds Ă  la tĂȘte, est-il possible que vous puissiez croire que moi, StĂ©pane TroïŹmovitch, je ne trouverais pas assez de force morale pour prendre ma besace – ma besace de mendiant – et, la jetant sur mes faibles Ă©paules, franchir la porte et disparaĂźtre d’ici Ă  jamais, quand l’honneur et le grand principe d’indĂ©pendance l’exigent ? Ce n’est pas la premiĂšre fois que StĂ©pane TroïŹmovitch a Ă  opposer la grandeur d’ñme au despotisme, fĂ»t-ce au despotisme d’une femme folle, c’est-Ă -dire au despotisme le plus blessant et le plus cruel qu’il puisse y avoir au monde, bien que vous soyez permis, je crois, de sourire Ă  mes paroles, Monsieur ! », Les DĂ©mons, p. 129. 36S. 618 ; L. p. 208-209. d’interprĂ©ter comiquement le dĂ©but du fragment Disproportion » Que l'homme contemple donc la nature entiĂšre dans sa haute et pleine majestĂ©, qu'il Ă©loigne sa vue des objets bas qui l'environnent. Qu'il regarde cette Ă©clatante lumiĂšre mise comme une lampe Ă©ternelle pour Ă©clairer l'univers, que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre Et voilĂ  que StĂ©pane devient triple il y a l’homme abstrait que nous avons prĂ©sentĂ© plus haut, qui est capable de regarder une autre version de lui-mĂȘme – l’astre StĂ©pane40, le StĂ©pane de la grandeur d’ñme –, et encore la version misĂ©rable – la terre », le StĂ©pane qui ne sait quoi faire dans sa petite province. Revenons Ă  notre entrĂ©e Le silence Ă©ternel de ces espaces in nis m’e raie. » Le fragment prĂ©sente la mĂȘme forme que ces quelques autres Ă©tudiĂ©s dans la premiĂšre partie, investissant la relation du particulier au gĂ©nĂ©ral. Il y a donc peu de chance qu’il soit une exclamation Ă©trangĂšre Ă  l’apologie. Le portrait distendu de StĂ©pane peut-il permettre d’en dire quelque chose de plus ? DostoĂŻevski, au contraire de bien d’autres de ses personnages, considĂšre ce personnage comme un des plus sincĂšres dans Les DĂ©mons. Avec lui, il nous montre qu’il est possible de concevoir l’alliance d’un arti ce le double » et d'une authenticitĂ© croire en son image. De la mĂȘme maniĂšre, on peut concevoir, en un sens, que Salomon de Tultie » ait vĂ©cu l’e roi qu’il entend transmettre. Par le processus imitatif, nous perdons la rigiditĂ© d’une conception qui lie la personne et le scripteur. 40 En n on se souvint de lui aussi, d’abord dans les publications paraissant Ă  l’étranger, comme d’un martyr en exil, puis aussitĂŽt Ă  PĂ©tersbourg, comme d’une Ă©toile qui avait fait partie jadis d’une constellation connue [ĐșаĐș ĐŸ быĐČшДĐč Đ·ĐČДзЎД ĐČ ĐžĐ·ĐČĐ”ŃŃ‚ĐœĐŸĐŒ ŃĐŸĐ·ĐČДзЎОО] [...]. », Les DĂ©mons, p. 48. 39S. 230, p. 161.
Regardemoi, moi Regarde-moi, regarde-moi Regarde-moi Montrez nous qui vous ĂȘtes, c’que vous faĂźtes Personne veut parler d’son passĂ© Oui Paroles avec . Toggle navigation. Paroles de chansons; Top 50; Nouvelles paroles; Boite Ă  chansons; ActualitĂ©; Traduction; Qu'est ce que t'as Marwa Loud. Corriger les paroles. Tweeter; Paroles de chansons / L / Marwa Loud / Qu'est ce 403 ERROR The Amazon CloudFront distribution is configured to block access from your country. We can't connect to the server for this app or website at this time. There might be too much traffic or a configuration error. Try again later, or contact the app or website owner. If you provide content to customers through CloudFront, you can find steps to troubleshoot and help prevent this error by reviewing the CloudFront documentation. Generated by cloudfront CloudFront Request ID REAtykopZW-VviO9UzA4z6yFgJwsGcjPws9TDV657B2Z_otMA29DFw==
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Quest-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants, si je passe par lĂ , puis-je dire qu'il s'est mis lĂ  pour me voir ? Non ; car il ne pense pas Ă  moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu'un Ă  cause de sa beautĂ©, l'aime-t-il ?
Pour RaphaĂ«l Villien, professeur de philosophie au LycĂ©e Berthollet d’Annecy, ce texte de Pascal se rĂ©vĂšle Ă  la fois attirant et redoutable pour des Ă©lĂšves de terminale. Attirant parce que son argument est intelligible et repose sur des distinctions travaillĂ©es en cours contingent/nĂ©cessaire, essentiel/accidentel, avoir/ĂȘtre. Mais Ă©galement redoutable parce que toutes ces analyses sont subordonnĂ©es Ă  un problĂšme compliquĂ© Qu’est-ce que le moi ? et qu'il est difficile de comprendre la rĂ©ponse que le texte y apporte, ainsi que le sens prĂ©cis de l’argumentation qui tente d’élucider la nature du moi dans le contexte d’une relation Ă  autrui. Quel rapport, prĂ©cisĂ©ment, entre la thĂšse sur l’amour et la nature du moi ? "Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants si je passe par lĂ , puis-je dire qu’il s’est mis lĂ  pour me voir ? Non car il ne pense pas Ă  moi en particulier mais celui qui aime quelqu’un Ă  cause de sa beautĂ©, l’aime-t-il ? Non car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m’aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi-mĂȘme. OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’ñme ? et comment aimer le corps ou l’ñme, sinon pour ces qualitĂ©s, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont pĂ©rissables ? car aimerait-on la substance de l’ñme d’une personne, abstraitement, et quelques qualitĂ©s qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s. Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es. Pascal, PensĂ©es, Lafuma 688 Introduction "Qu’est-ce que le moi ?" Etrange question. Quand se pose-t-elle ? Peut-ĂȘtre dans les moments de doute sur soi ou sur quelqu’un, lorsque les repĂšres et les certitudes vacillent Ă©checs, pertes, dĂ©figuration qui suis-je, vraiment, moi ? Lors d’une rupture, qui est-elle, vraiment, elle ? Ce sont des moments oĂč la dĂ©finition ordinaire de soi par ses qualitĂ©s sociales, physiques, intellectuelles ne suffit plus. De nombreux films construits autour de cette question Citizen Kane. Tel est prĂ©cisĂ©ment le problĂšme posĂ© par Pascal, qui l’inscrit dans le contexte de l’amour est-ce vraiment la personne elle-mĂȘme qu’on aime, ou ses qualitĂ©s ? On pourrait rĂ©pondre que la personne est indissociable de ses qualitĂ©s, mais c’est prĂ©cisĂ©ment la rĂ©ponse que refuse Pascal le moi ne se confond pas avec ses qualitĂ©s empruntĂ©es », si bien qu’ on n’aime jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s ». La femme de Roman aimait-elle Roman ou ses qualitĂ©s apparentes ? Ne sommes-nous pas tous dans ce cas aimons-nous l’autre lui-mĂȘme ou ses qualitĂ©s ? Questions Ă  poser au texte la distinction du moi et de ses qualitĂ©s va-t-elle de soi ? Pourquoi Pascal passe-t-il par la relation Ă  autrui pour dĂ©finir le moi ? Si effectivement le moi ne se dĂ©finit pas par ces qualitĂ©s, qu’est-il donc ? Premier moment du texte Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants si je passe par lĂ , puis-je dire qu’il s’est mis lĂ  pour me voir ?DĂ©but du texte une question classique, un objet problĂ©matique et une approche Ă©tonnante. La question est celle de la dĂ©finition qu’est-ce que x ? Question socratique par excellence. TĂąche de la dĂ©finition distinguer les propriĂ©tĂ©s nĂ©cessaires, essentielles, des propriĂ©tĂ©s contingentes, accidentelles que la chose peut perdre sans se dĂ©truire. L’objet qui pose problĂšme le moi. Tout le texte va montrer qu’on ne sait pas prĂ©cisĂ©ment ce qu’il faut entendre par ce terme, qu’on a du mal Ă  distinguer le moi des qualitĂ©s d’emprunts, du mal Ă  distinguer le nĂ©cessaire du contingent, l’essentiel de l’accidentel. Analogie avec Saint Augustin et le temps Confessions XI Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais mais que je veuille l'expliquer Ă  la demande, je ne le sais pas ! » ProblĂšme renforcĂ© par la forme substantivĂ©e du pronom moi » on passe d’un usage ordinaire Ă  un usage plus philosophique. Difficile de comprendre prĂ©cisĂ©ment ce qu’il faut entendre par le moi ». Face Ă  ce genre de difficultĂ©s, un conseil ne pas faire comme si on comprenait, mais proposer des hypothĂšses de sens et les confronter au texte. C’est le plus difficile. Qu’entend Pascal par le moi » ? le moi un individu empirique, un corps, une personne. Pourquoi ne pas dire une personne ? Le moi une substance pensante, un cogito ? Le moi sens moral de l’attachement Ă  soi, de l’amour-propre ? cf Lafuma 597, le moi est haĂŻssable » Quelle rĂ©ponse permet d’apporter le texte ? PremiĂšre proposition L’homme Ă  la fenĂȘtre voit un individu quelconque, un quidam, il ne me voit pas, moi et il ne voit pas un moi. Ici, Pascal s’appuie sur le langage ordinaire qui fait une diffĂ©rence entre voir quelqu’un » et me voir » pour commencer son travail de dĂ©finition philosophique. La diffĂ©rence porte sur la façon de poser un objet le moi ici semble devoir ĂȘtre l’objet d’une intention particuliĂšre, d’une visĂ©e. L’individu doit ĂȘtre visĂ© dans son identitĂ© singuliĂšre, propre. Cf. la diffĂ©rence gĂ©nĂ©ral/particulier/singulier gĂ©nĂ©ral des hommes, la classe des hommes particulier un homme comme exemple, Ă©chantillon de la classe singulier cet homme, en tant qu’il se distingue des autres. On voit des hommes en gĂ©nĂ©ral des passants, cf Brassens, Le pornographe, Ă©ventuellement notre regard s’arrĂȘte sur un homme en particulier une passante, Baudelaire, mais on ne perçoit jamais l’individu dans sa singularitĂ©, son identitĂ© propre, dans son unicitĂ©. Conclusion le moi n’est donc pas simplement un homme quelconque mais approche Ă©tonnante, le moi est apprĂ©hendĂ© dans le cadre d’une relation Ă  autrui D’oĂč l’importance de l’amour, comme visĂ©e intentionnelle de la personne. La question qu’est-ce que le moi » ? sera traitĂ©e par cette question m’aime-t-on, moi ? » Et tout le problĂšme du texte sera de savoir si l’on peut rĂ©ellement viser le moi et le trouver. DeuxiĂšme moment du texte De "Mais celui qui aime quelqu’un Ă  cause de sa beautĂ©, l’aime-t-il ?" Ă  "OĂč est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’ñme ? et comment aimer le corps ou l’ñme, sinon pour ces qualitĂ©s, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont pĂ©rissables ?" Argument principal, dont le fonctionnement est clair, qui procĂšde en trois temps avant de conclure il faut dĂ©crire le mieux possible le fonctionnement de l’argument, non pas sa rhĂ©torique, mais sa logique. Il s’agit de montrer que des propriĂ©tĂ©s, des qualitĂ©s qui semblent appartenir Ă  la personne et la dĂ©finir dans sa singularitĂ© ne la dĂ©finissent pas, ne sont ni essentielles, ni nĂ©cessaires. Elles peuvent m’ĂȘtre ĂŽtĂ©es sans que je cesse d’ĂȘtre moi. la beautĂ© cf la vieillesse, la dĂ©figuration Merteuil Ă  la fin des Liaisons dangereuses , dĂ©figurĂ©e par la vĂ©role. Malheur des personnes qui se dĂ©finissent par leur beautĂ© elles vont continuer Ă  ĂȘtre alors que leur beautĂ© ne sera plus. Pascal semble ici s’inscrire dans une tradition qui dĂ©nonce la confusion du paraĂźtre et de l’ĂȘtre, des apparences et de l’essence. Quoiqu’il faudra nuancer ceci cf la derniĂšre conclusion du texte, Ă©tonnante, paradoxale, qui rĂ©habilitĂ© les qualitĂ©s d’emprunt Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es. » Surtout ne pas s’arrĂȘter lĂ  Pascal dirait qu’il ne faut pas aimer une personne simplement pour sa beautĂ©, son apparence, mais pour ses qualitĂ©s intĂ©rieures. Non, les qualitĂ©s intĂ©rieures sont passibles du mĂȘme traitement. le jugement, la mĂ©moire, les qualitĂ©s intellectuelles peuvent disparaĂźtre sans que la personne cesse d’ĂȘtre. Cf la vieillesse, les changements de personnalitĂ©s Ă  cause des accidents de la vie. Pas de diffĂ©rences de statut entre les qualitĂ©s intĂ©rieures et extĂ©rieures toutes pĂ©rissables, sĂ©parables de moi. On progresse vers une hypothĂšse limite ce qui dĂ©finit le moi, la personne dans sa singularitĂ©, ne rĂ©siderait pas dans sa personnalitĂ© ! Si une personne n’est pas singularisĂ©e par sa personnalitĂ©, par quoi alors ? Discussion du cƓur de l’argument Est-il si vrai que les qualitĂ©s personnelles ne dĂ©finissent pas le moi ? N’y a-t-il pas des qualitĂ©s inaliĂ©nables au moi, certains traits physique ou de caractĂšre ? Pour Pascal, sans doute une illusion de croire en des traits permanents, ou alors au mieux peut-ĂȘtre permanent par accident de fait tel trait de l’individu ne change pas mais pas de façon essentielle il aurait pu changer sans que l’individu soit dĂ©truit. Ou alors des qualitĂ©s liĂ©es Ă  l’origine ĂȘtre le fils de » ? Mais mon origine me dĂ©finit-elle comme moi ? Conclusion intermĂ©diaire Raisonnement aporĂ©tique on essaie de dĂ©finir le moi question simple et classique et finalement, on se rend compte qu’on ne trouve plus ce qu’on voulait dĂ©finir, que le moi est introuvable, non localisable, inassignable. D’oĂč la question de la localisation OĂč est donc le moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’ñme ? » Question de la localisation assez Ă©trange, comme si le moi Ă©tait une chose, une partie de moi. OĂč est le cƓur ? » a une rĂ©ponse, mais oĂč est le moi ? », n’est-ce pas faire une erreur dans la conception du moi ? Confondre le moi avec une chose Ă©tendue. Pascal ne peut ignorer Descartes cf Discours de la mĂ©thode "J_e connus par lĂ  que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui pour ĂȘtre n’a besoin d’aucun lieu ni ne dĂ©pend d’aucune chose matĂ©rielle en sorte que ce moi, c’est-Ă -dire l’ñme, par laquelle je suis ce que je suis, est entiĂšrement distincte du corps"_ Dernier moment du texte et du raisonnement de Pascal La critique du moi cartĂ©sien "C_ar aimerait-on la substance de l’ñme d’une personne, abstraitement, et quelques qualitĂ©s qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s_." Ayant montrĂ© que ni les qualitĂ©s physiques, ni les qualitĂ©s spirituelles permettent de dĂ©finir le moi, Pascal fait l’hypothĂšse d’un moi sans qualitĂ©, en Ă©voquant l’amour pour "la substance de l’ñme d’une personne, abstraitement, et quelques qualitĂ©s qui y fussent." Vocabulaire de la substance Ă©voque Descartes le cogito, une substance pensante, une res cogitans. Tant mieux si les Ă©lĂšves le repĂšrent. Mais on peut expliquer l’argument sans connaĂźtre Descartes. Il s’agit de considĂ©rer un moi abstraction faite de ses qualitĂ©s. La distinction abstrait/concret est travaillĂ©e durant l’annĂ©e. La chose concrĂšte, ici, c’est la chose telle qu’elle se prĂ©sente Ă  moi dans l’expĂ©rience, pourvue de toutes ses qualitĂ©s un homme, une barbe, un chapeau
. Abstraire opĂ©ration intellectuelle qui consiste Ă  ne pas tenir compte, Ă  faire abstraction, des propriĂ©tĂ©s contingentes. Ce qui reste alors du moi une entitĂ© abstraite sans qualitĂ©. Toujours cette idĂ©e qu’aucune qualitĂ© ne me dĂ©finit en propre. C’est le cas du cogito cartĂ©sien tout le monde est un cogito, c’est un moi qui est celui de tout le monde, bref, c’est un moi, une subjectivitĂ© pure, qui n’est pas moi, une identitĂ© singuliĂšre. ConsĂ©quence une telle entitĂ© pose des problĂšmes, elle trop abstraite pour ĂȘtre digne d’amour, trop indiffĂ©renciĂ©e pour ĂȘtre prĂ©fĂ©rĂ©e aux autres. Personne n’aime un cogito, tout le monde aime une personne particuliĂšre. Le concept philosophique, cartĂ©sien, du moi est trop Ă©loignĂ© de l’usage ordinaire du moi. Conclusion n°1 On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualitĂ©s. ConsĂ©quence de l’argumentation n’est pas qu’il faut aimer le moi rĂ©el, et non ses qualitĂ©s apparentes, mais au contraire qu’on ne peut aimer que les qualitĂ©s d’une personne, et non la personne elle-mĂȘme. Pensons aux personnes qui aiment des types de personnes », ou Ă  la façon dont on justifie nos amours Duras il Ă©tait riche et doux ». Ce texte est donc aussi un texte sur le dĂ©sir et l’amour qu’aime-t-on chez l’autre ? qu’est-ce que l’autre aime en moi ? Lieu de confusion, d’obscuritĂ©, d’équivocitĂ©, de dĂ©ception. Pascal on n’aime pas une personne, on n’aime jamais personne. Contre Montaigne parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Contre le mensonge romantique de coup de foudre entre deux personnes singuliĂšres, la vĂ©ritĂ© dĂ©senchantĂ©e de l’amour. Rapprochement possible avec le moi est haĂŻssable », la critique du moi chez Pascal au sens de l’amour propre. Le moi n’est pas aimable. Laf 597 Conclusion n°2 Autre conclusion, paradoxale. Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualitĂ©s empruntĂ©es. Pas de mĂ©pris du paraĂźtre, des qualitĂ©s empruntĂ©es sociales ou autres puisqu’il n’en est pas d’une autre nature. DiffĂ©rence genre/espĂšce toutes les qualitĂ©s ne sont pas de la mĂȘme espĂšce physique, intellectuelle, sociale, mais elles sont toutes du mĂȘme genre d’emprunt. Pas dans la dĂ©fense de l’ĂȘtre contre le paraĂźtre puisque l’ĂȘtre, le moi, n’est pas aimable. Deux niveaux pas de mĂ©pris de l’étiquette sociale cf le discours sur la considĂ©ration des grands. pas de raison de tirer de l’amour-propre de son prestige social. Conclusion gĂ©nĂ©rale rappel de l’essentiel et rĂ©flexion finale Pascal distingue trĂšs nettement le moi de ses qualitĂ©s au point qu’une question reste ouverte Ă  la fin du texte qu’est-ce que le moi ? RĂ©ponse essentiellement nĂ©gative Le moi n’est pas un individu quelconque. Je ne suis pas ma beautĂ©, mon intelligence, mes titres. ConsĂ©quence ce n’est pas moi qu’on aime, mais mes qualitĂ©s. Alors, qu’est-ce que le moi ? Trois hypothĂšses demeurent le moi n’existe pas ou c’est une idĂ©e confuse. le moi est une rĂ©alitĂ© subjective accessible uniquement Ă  la premiĂšre personne, un cogito. Ce qui expliquerait l’échec de la dĂ©finition du moi dans le cadre d’une relation Ă  autrui. Mais Ă  ce moment, l’approche du moi par proposĂ©e par Pascal est pour le moins Ă©trange et le troisiĂšme moment de l’argumentation devient difficilement comprĂ©hensible. Le moi est bien l’objet d’une intention. L’autre peut penser Ă  moi. Mais l’erreur est d’en faire un objet d’amour, de prĂ©fĂ©rence, de qualitĂ©. Bref, le moi critiquĂ© serait celui de l’amour propre. La singularitĂ© du moi implique une individuation du moi une distinction matĂ©rielle et intentionnelle, mais non pas une qualitĂ© propre du moi, une distinction de valeur. Au contraire, cette valorisation du moi est le dĂ©but de la confusion. Pour Pascal, l’individuation, l’individualitĂ© est une limite, un obstacle Ă  la raison et Ă  la justice, et non pas une diffĂ©rence Ă  valoriser. Individuation, expression de la misĂšre de l’homme ! 2 minutes papillon de GĂ©raldine Mosna-SavoyeGĂ©raldine Mosna-Savoye s'entretient avec JĂ©rĂŽme LĂšbre, philosophe et professeur de philosophie en terminale, auteur de Les caractĂšres impossibles Bayard et d'entretiens avec Jean-Luc Nancy sur l’art Ă  paraĂźtre aux Ă©ditions Bayard Ă©galement. Textes lus par Jean-Louis Jacopin Pascal, PensĂ©es Lafuma 688 PlĂ©iade 306, Gallimard, p. 1165 Choderlos de Laclos, Les liaisons dangereuses 1782, 4Ăšme partie, Lettre CLXXV Lettre 175, Gallimard 201, p. 457-458 Extraits de films diffusĂ©s Nicole Garcia, L’adversaire 2002 NoĂ©mie Lvovsky, Camille redouble 2012 Musiques diffusĂ©es Sung Woo cho, April snow Julio IglĂ©sias, Je n’ai pas changĂ© FrĂ©hel, Tel qu’il est

6octobre 2005, par Pascal, Blaise. Qu’est-ce que le moi ? Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants ; si-je passe par lĂ , puis-je dire qu’il s’est mis lĂ  pour me voir ? Non ; car il ne pense pas Ă  moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu’un Ă  cause de sa beautĂ©, l’aime-t-il ? Non : car la petite vĂ©role

Premier discours. Pour entrer dans la vĂ©ritable connaissance de votre condition, considĂ©rez-la dans cette image. Un homme est jetĂ© par la tempĂȘte dans une Ăźle inconnue dont les habitants Ă©taient en peine de trouver leur roi qui s’était perdu, et ayant beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi, il est pris pour lui, et reconnu en cette qualitĂ© par tout ce peuple. D’abord il ne savait quel parti prendre; mais il se rĂ©solut enfin de se prĂȘter Ă  sa bonne fortune. Il reçut tous les respects qu’on lui voulut rendre, et il se laissa traiter de roi. Mais comme il ne pouvait oublier sa condition naturelle, il songeait, en mĂȘme temps qu’il recevait ces respects, qu’il n’était pas ce roi que ce peuple cherchait, et que ce royaume ne lui appartenait pas. Ainsi il avait une double pensĂ©e, l’une par laquelle il agissait en roi, l’autre par laquelle il reconnaissait son Ă©tat vĂ©ritable et que ce n’était que le hasard qui l’avait mis en la place oĂč il Ă©tait. Il cachait cette derniĂšre pensĂ©e, et il dĂ©couvrait lautre. C’était par la premiĂšre qu’il traitait avec le peuple, et par la derniĂšre qu’il traitait avec soi-mĂȘme. Ne vous imaginez pas que ce soit par un moindre hasard que vous possĂ©dez les richesses dont vous vous trouvez maĂźtre, que celui par lequel cet homme se trouvait roi. Vous n’y avez aucun droit de vous-mĂȘme et par votre nature non plus que lui et non seulement vous ne vous trouvez fils d’un duc, mais vous ne vous trouvez au monde que par une infinitĂ© de hasards. Votre naissance dĂ©pend d’un mariage, ou plutĂŽt de tous les mariages de ceux dont vous descendez. Mais ces mariages, d’oĂč dĂ©pendent-ils? D’une visite faite par rencontre, d’un discours en l’air, de mille occasions imprĂ©vues. Vous tenez, dites-vous, vos richesses de vos ancĂȘtres; mais n’est-ce pas par mille hasards que vos ancĂȘtres les ont acquises et qu’ils les ont conservĂ©es? Vous imaginez-vous aussi que ce soit par quelque loi naturelle que ces biens ont passĂ© de vos ancĂȘtres Ă  vous? Cela n’est pas vĂ©ritable. Cet ordre n’est fondĂ© que sur la seule volontĂ© des lĂ©gislateurs qui ont pu avoir de bonnes raisons, mais dont aucune n’est prise d’un droit naturel que vous avez sur ces choses. S’il leur avait plu d’ordonner que ces biens, aprĂšs avoir Ă©tĂ© possĂ©dĂ©s par les pĂšres durant leur vie, retourneraient Ă  la rĂ©publique aprĂšs leur mort, vous n’auriez aucun sujet de vous en plaindre. Ainsi tout le titre par lequel vous possĂ©dez votre bien n’est pas un titre de nature, mais d’un Ă©tablissement humain. Un autre tour d’imagination dans ceux qui ont fait les lois vous aurait rendu pauvre; et ce n’est que cette rencontre du hasard qui vous a fait naĂźtre avec la fantaisie des lois favorable Ă  votre Ă©gard qui vous met en possession de tous ces biens. Je ne veux pas dire qu’ils ne vous appartiennent pas lĂ©gitimement, et qu’il soit permis Ă  un autre de vous les ravir; car Dieu, qui en est le maĂźtre, a permis aux sociĂ©tĂ©s de faire des lois pour les partager; et quand ces lois sont une fois Ă©tablies, il est injuste de les violer. C’est ce qui vous distingue un peu de cet homme qui ne possĂ©derait son royaume que par l’erreur du peuple; parce que Dieu n’autoriserait pas cette possession, et l’obligerait Ă  y renoncer, au lieu qu’il autorise la vĂŽtre. Mais ce qui vous est entiĂšrement commun avec lui, c’est que ce droit que vous y avez n’est point fondĂ©, non plus que le sien, sur quelque qualitĂ© et sur quelque mĂ©rite qui soit en vous et qui vous en rende digne. Votre Ăąme et votre corps sont d’eux-mĂȘmes indiffĂ©rents Ă  l’état de batelier ou Ă  celui de duc; et il n’y a nul lien naturel qui les attache Ă  une condition plutĂŽt qu’à une autre. Que s’ensuit-il de lĂ ? Que vous devez avoir, comme cet homme dont nous avons parlĂ©, une double pensĂ©e ; et que si vous agissez extĂ©rieurement avec les hommes selon votre rang, vous devez reconnaĂźtre, par une pensĂ©e plus cachĂ©e mais plus vĂ©ritable, que vous n’avez rien naturellement au- dessus d’eux. Si la pensĂ©e publique vous Ă©lĂšve au-dessus du commun des hommes, que l’autre vous abaisse et vous tienne dans une parfaite Ă©galitĂ© avec tous les hommes; car c’est votre Ă©tat naturel. Le peuple qui vous admire ne connaĂźt pas peut-ĂȘtre ce secret. Il croit que la noblesse est une grandeur rĂ©elle, et il considĂšre presque les Grands comme Ă©tant d’une autre nature que les autres. Ne leur dĂ©couvrez pas cette erreur, si vous voulez, mais n’abusez pas de cette Ă©lĂ©vation avec insolence, et surtout ne vous mĂ©connaissez pas vous-mĂȘme, en croyant que votre ĂȘtre a quelque chose de plus Ă©levĂ© que celui des autres. Que diriez-vous de cet homme qui aurait Ă©tĂ© fait roi par l’erreur du peuple, s’il venait Ă  oublier tellement sa condition naturelle qu’il s’imaginĂąt que ce royaume lui Ă©tait dĂ», qu’il le mĂ©ritait et qu’il lui appartenait de droit? Vous admireriez* sa sottise et sa folie. Mais y en a-t-il moins dans les personnes de condition qui vivent dans un si Ă©trange oubli de leur Ă©tat naturel? Que cet avis est important! Car tous les emportements, toute la violence, et toute la vanitĂ© des Grands, vient de ce qu’ils ne connaissent point ce qu’ils sont Ă©tant difficile que ceux qui se regarderaient intĂ©rieurement comme Ă©gaux Ă  tous les hommes, et qui seraient bien persuadĂ©s qu’ils n’ont rien en eux qui mĂ©rite ces petits avantages que Dieu leur a donnĂ©s au-dessus des autres, les traitassent avec insolence. Il faut s’oublier soi-mĂȘme pour cela, et croire qu’on a quelque excellence rĂ©elle au-dessus d’eux; en quoi consiste cette illusion, que je tĂąche de vous dĂ©couvrir. » * Il faut comprendre vous vous Ă©tonneriez.» DeuxiĂšme discours. Il est bon, Monsieur, que vous sachiez ce que l’on vous doit, afin que vous ne prĂ©tendiez pas exiger des hommes ce qui ne vous est pas dĂ», car c’est une injustice visible et cependant elle est fort commune Ă  ceux de votre condition, parce qu’ils en ignorent la nature. Il y a dans le monde deux sortes de grandeurs; car il y a des grandeurs d’établissement, et des grandeurs naturelles. Les grandeurs d’établissement dĂ©pendent de la volontĂ© des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer certains Ă©tats, et y attacher certains respects. Les dignitĂ©s et la noblesse sont de ce genre. En un pays on honore les nobles, en l’autre les roturiers; en celui-ci les aĂźnĂ©s, en cet autre les cadets. Pourquoi cela? Parce qu’il a plu aux hommes. La chose Ă©tait indiffĂ©rente avant l’établissement aprĂšs l’établissement, elle devient juste, parce qu’il est injuste de troubler. Les grandeurs naturelles sont celles qui sont indĂ©pendantes de la fantaisie des hommes, parce qu’elles consistent dans des qualitĂ©s rĂ©elles et effectives de l’ñme ou du corps, qui rendent l’un ou l’autre plus estimable, comme les sciences, la lumiĂšre de l’esprit, la vertu, la santĂ©, la force. Nous devons quelque chose Ă  l’une et Ă  l’autre de ces grandeurs; mais comme elles sont d’une nature diffĂ©rente, nous leur devons aussi diffĂ©rents respects. Aux grandeurs d’établissement, nous leur devons des respects d’établissement, c’est-Ă -dire certaines cĂ©rĂ©monies extĂ©rieures qui doivent ĂȘtre nĂ©anmoins accompagnĂ©es, selon la raison, d’une reconnaissance intĂ©rieure de la justice de cet ordre, mais qui ne nous font pas concevoir quelque qualitĂ© rĂ©elle en ceux que nous honorons de cette sorte il faut parler aux rois Ă  genoux; il faut se tenir debout dans la chambre des princes. C’est une sottise et une bassesse d’esprit que de leur refuser ces devoirs. Mais pour les respects naturels, qui consistent dans l’estime, nous ne les devons qu’aux grandeurs naturelles, et nous devons au contraire le mĂ©pris et l’aversion aux qualitĂ©s contraires Ă  ces grandeurs naturelles. Il n’est pas nĂ©cessaire, parce que vous ĂȘtes duc, que je vous estime, mais il est nĂ©cessaire que je vous salue. Si vous ĂȘtes duc et honnĂȘte homme, je rendrai ce que je dois Ă  l’une et Ă  l’autre de ces qualitĂ©s. Je ne vous refuserai point les cĂ©rĂ©monies que mĂ©rite votre qualitĂ© de duc, ni l’estime que mĂ©rite celle d’honnĂȘte homme. Mais si vous Ă©tiez duc sans ĂȘtre honnĂȘte homme, je vous ferais encore justice; car en vous rendant les devoirs extĂ©rieurs que l’ordre des hommes a attachĂ©s Ă  votre naissance, je ne manquerais pas d’avoir pour vous le mĂ©pris intĂ©rieur que mĂ©riterait la bassesse de votre esprit. VoilĂ  en quoi consiste la justice de ces devoirs. Et l’injustice consiste Ă  attacher les respects naturels aux grandeurs d’établissement, ou Ă  exiger les respects d’établissement pour les grandeurs naturelles. M. N*** est un plus grand gĂ©omĂštre que moi; en cette qualitĂ© il veut passer devant moi? je lui dirai qu’il n’y entend rien. La gĂ©omĂ©trie est une grandeur naturelle, elle demande une prĂ©fĂ©rence d’estime, les hommes n’y ont attachĂ© aucune prĂ©fĂ©rence extĂ©rieure. Je passerai donc devant lui, et l’estimerai plus que moi en qualitĂ© de gĂ©omĂštre. De mĂȘme si, Ă©tant duc et pair, vous ne vous contentez pas que je me tienne dĂ©couvert devant vous, et que vous voulussiez encore que je vous estimasse, je vous prierais de me montrer les qualitĂ©s qui mĂ©ritent mon estime. Si vous le faisiez, elle vous est acquise, et je ne vous la pourrais refuser avec justice; mais si vous ne le faisiez pas, vous seriez injuste de me la demander, et assurĂ©ment vous n’y rĂ©ussiriez pas, fussiez-vous le plus grand prince du monde. » TroisiĂšme discours. Je veux vous faire connaĂźtre, Monsieur, votre condition vĂ©ritable, car c’est la chose du monde que les personnes de votre sorte ignorent le plus. Qu’est-ce Ă  votre avis d’ĂȘtre grand seigneur? C’est ĂȘtre maĂźtre de plusieurs objets de la concupiscence des hommes, et ainsi pouvoir satisfaire aux besoins et aux dĂ©sirs de plusieurs. Ce sont ces besoins et ces dĂ©sirs qui les attirent auprĂšs de vous, et qui font qu’ils se soumettent Ă  vous; sans cela ils ne vous regarderaient pas seulement; mais ils espĂšrent, par ces services et ces dĂ©fĂ©rences qu’ils vous rendent, obtenir de vous quelque part de ces biens qu’ils dĂ©sirent et dont ils voient que vous disposez. Dieu est environnĂ© de gens pleins de charitĂ©, qui lui demandent les biens de la charitĂ© qui sont en sa puissance ainsi il est proprement le roi de la charitĂ©. Vous ĂȘtes de mĂȘme environnĂ© d’un petit nombre de personnes, sur qui vous rĂ©gnez en votre maniĂšre. Ces gens sont pleins de concupiscence. Ils vous demandent les biens de la concupiscence. C’est la concupiscence qui les attache Ă  vous. Vous ĂȘtes donc proprement un roi de concupiscence, votre royaume est de peu d’étendue, mais vous ĂȘtes Ă©gal en cela aux plus grands rois de la terre. Ils sont comme vous des rois de concupiscence. C’est la concupiscence qui fait leur force, c’est-Ă -dire la possession des choses que la cupiditĂ© des hommes dĂ©sire. Mais en connaissant votre condition naturelle, usez des moyens qu’elle vous donne; et ne prĂ©tendez pas rĂ©gner par une autre voie que par celle qui vous fait roi. Ce n’est point votre force et votre puissance naturelle qui vous assujettit toutes ces personnes. Ne prĂ©tendez donc point les dominer par la force, ni les traiter avec duretĂ©. Contentez leurs justes dĂ©sirs, soulagez leurs nĂ©cessitĂ©s, mettez votre plaisir Ă  ĂȘtre bienfaisant, avancez-les autant que vous le pourrez, et vous agirez en vrai roi de concupiscence. Ce que je vous dis ne va pas bien loin; et si vous en demeurez lĂ , vous ne laisserez pas de vous perdre, mais au moins vous vous perdrez en honnĂȘte homme. Il y a des gens qui se damnent si sottement par l’avarice, par la brutalitĂ©, par les dĂ©bauches, par la violence, par les emportements, par les blasphĂšmes! Le moyen que je vous ouvre est sans doute plus honnĂȘte; mais en vĂ©ritĂ© c’est toujours une grande folie que de se damner. Et c’est pourquoi il n’en faut pas demeurer lĂ . Il faut mĂ©priser la concupiscence et son royaume, et aspirer Ă  ce royaume de charitĂ© oĂč tous les sujets ne respirent que la charitĂ© et ne dĂ©sirent que les biens de la charitĂ©. D’autres que moi vous en diront le chemin; il me suffit de vous avoir dĂ©tournĂ© de ces vies brutales oĂč je vois que plusieurs personnes de votre condition se laissent emporter faute de bien connaĂźtre l’état vĂ©ritable de cette condition. » . Commentaire. PrĂ©sentation du texte. L’opuscule Trois discours sur la condition des grands n’est pas Ă©crit par Pascal. Il est le rĂ©cit que Nicole Auteur des Essais de morale. JansĂ©niste de renom donna, dix ans aprĂšs la mort de Pascal, des conversations que le philosophe eut sur ce thĂšme aux alentours de 1660. Dans la prĂ©face qui prĂ©cĂšde le texte, Nicole Ă©crit Une des choses sur lesquelles feu M. Pascal avait plus de vues Ă©tait l’instruction d’un prince que l’on tĂącherait d’élever de la maniĂšre la plus proportionnĂ©e Ă  l’état oĂč Dieu l’appelle, et la plus propre pour le rendre capable d’en remplir tous les devoirs et d’en Ă©viter tous les dangers. On lui a souvent ouĂŻ dire qu’il n’y avait rien Ă  quoi il dĂ©sirĂąt plus de contribuer pourvu qu’il y fĂ»t bien engagĂ©, et qu’il sacrifierait volontiers sa vie pour une chose si importante. Et comme il avait accoutumĂ© d’écrire les pensĂ©es qui lui venaient sur les sujets dont il avait l’esprit occupĂ©, ceux qui l’ont connu se sont Ă©tonnĂ©s de n’avoir rien trouvĂ© dans celles qui sont restĂ©es de lui, qui regardĂąt expressĂ©ment cette matiĂšre quoique l’on puisse dire en un sens qu’elles la regardent toutes, n’y ayant guĂšre de livres qui puissent plus servir Ă  former l’esprit d’un prince que le recueil que l’on en a fait. Il faut donc ou que ce qu’il a Ă©crit de cette matiĂšre ait Ă©tĂ© perdu, ou qu’ayant ces pensĂ©es extrĂȘmement prĂ©sentes, il ait nĂ©gligĂ© de les Ă©crire Et comme par l’une et l’autre cause le public s’en trouve Ă©galement privĂ©, il est venu dans l’esprit d’une personne, qui a assistĂ© Ă  trois discours assez courts qu’il fit en divers temps Ă  un enfant de grande condition et dont l’esprit, qui Ă©tait extrĂȘmement avancĂ©, Ă©tait dĂ©jĂ  capable des vĂ©ritĂ©s les plus fortes, d’écrire neuf ou dix ans aprĂšs ce qu’il en a retenu. Or, quoique aprĂšs un si long temps il ne puisse pas dire que ce soient les propres paroles dont M. Pascal se servit alors, nĂ©anmoins tout ce qu’il disait faisait une impression si vive sur l’esprit, qu’il n’était pas possible de l’oublier. Et ainsi il peut assurer que ce sont au moins ses pensĂ©es et ses sentiments
 » Quel est le jeune prince auquel il s’adresse ? On pense qu’il s’agit du fils aĂźnĂ© du duc de Luynes, pour qui Nicole et Arnauld Ă©crivirent, en 1662, La logique de Port-Royal. Le duc de Luynes son pĂšre n’avait pas moins d’esprit
, ni moins d’application et de savoir. Il s’était liĂ©, par le voisinage de Dampierre, avec les solitaires de Port-Royal-des-Champs, et aprĂšs la mort de sa premiĂšre femme, mĂšre du duc de Chevreuse, s’y Ă©tait retirĂ© avec eux ; il avait pris part Ă  leur pĂ©nitence et Ă  quelques-uns de leurs ouvrages, et il les pria de prendre soin de l’instruction de son fils
 Ces messieurs y mirent tous leurs soins par attachement pour le pĂšre, et par celui que leur donna pour leur Ă©lĂšve le fonds de douceur, de sagesse et de talents qu’ils y trouvĂšrent Ă  cultiver. » Saint Simon citĂ© par Havet et repris dans l’édition des PensĂ©es et Opuscules par Brunschvicg. Le jeune prince Ă©pousa la fille aĂźnĂ©e de Colbert et prit le nom de duc de Chevreuse ; il devĂźnt Ă  la fin du rĂšgne de Louis XIV, l’un des chefs du parti qui se forma autour du duc de Bourgogne et de FĂ©nelon, et qui rĂȘvait de la rĂ©forme du gouvernement en France. Il mourut en 1712. Questions portant sur le premier discours 1 Quel est le thĂšme de ce premier discours ? 2 Quel est le sens de la parabole qui ouvre le texte ? 3 Que signifie l’expression il avait une double pensĂ©e » ? 4 Qu’est-ce qui fonde l’ordre social ? Expliquez la phrase Cet ordre n’est fondĂ© que sur la seule volontĂ© des lĂ©gislateurs qui ont pu avoir de bonnes raisons, mais dont aucune n’est prise d’un droit naturel que vous avez sur ces choses ». 5 Ce fondement est-il de nature Ă  disqualifier les ordres Ă©tablis pour Pascal ? Qu’est-ce donc qui distingue le futur duc de Chevreuse de l’homme de la parabole ? 6 Est-il souhaitable que le peuple ait cette intelligence de la nature de l’ordre politique ? Pourquoi ? 7 Quelle prescription morale Pascal tire-t-il de sa parabole? NB Pour rĂ©pondre avec prĂ©cision Ă  ces questions aidez-vous du remarquable commentaire de Katia Genel dans Blaise Pascal, Trois discours sur la condition des Grands, Folio plus, philosophie, 2006 Ă  qui je veux rendre hommage ici. Correction 1 Le thĂšme de ce premier discours est la condition des Grands et Ă  travers elle la condition humaine. Les Grands » sont les hommes qui, dans une sociĂ©tĂ© donnĂ©e, occupent les positions de pouvoir, de prestige et de richesse. Dans la sociĂ©tĂ© d’Ancien RĂ©gime, il y a les nobles et les roturiers. Le Grand » est le noble, comte, duc, marquis, roi. L’idĂ©e de condition connote, en ce sens, celle de condition sociale et renvoie Ă  la situation des personnes dans un ordre social hiĂ©rarchique. Depuis 1789 les privilĂšges de la noblesse ont Ă©tĂ© supprimĂ©s en France mais cela ne signifie pas qu’un ordre dĂ©mocratique puisse faire l’économie d’une hiĂ©rarchie. Il faut bien investir certains individus des fonctions d’autoritĂ© sans lesquelles il n’y a pas d’ordre social possible. Le propos pascalien n’est donc pas circonstanciel, il a valeur d’une vĂ©ritĂ© universelle et Ă©ternelle. Le philosophe invite le futur duc de Chevreuse Ă  mĂ©diter sur sa condition de Grand et cette mĂ©ditation est l’occasion de prendre conscience de la nature de la condition humaine en gĂ©nĂ©ral. Quelle est la situation de l’homme dans l’univers ? Quelle est sa situation dans son rapport aux autres hommes et Ă  lui-mĂȘme ? VoilĂ  ce qu’il est urgent de mĂ©diter afin de ne pas entretenir des illusions sur soi-mĂȘme et de savoir se conduire. 2 Le texte s’ouvre par une parabole. On entend par lĂ  un rĂ©cit allĂ©gorique contenant un enseignement thĂ©orique et moral. Pour entrer dans la vĂ©ritable connaissance de votre condition, considĂ©rez-la dans cette image » dit le texte. Il s’agit de se figurer » les choses c’est-Ă -dire de dĂ©placer son point de vue sur une situation grĂące Ă  une expĂ©rience de pensĂ©e », expĂ©rience qui ne peut pas ĂȘtre rĂ©ellement effectuĂ©e mais dont la fiction doit permettre de saisir une vĂ©ritĂ©. Pascal mobilise ici le secours de l’imagination dont un de ses grands thĂšmes est de souligner la puissance. Elle est capable de produire des effets. C’est elle qui rĂšgne en souveraine dans le monde et sa souverainetĂ© est telle que le penseur, soucieux de dĂ©jouer les effets d’illusion qu’elle produit sur la scĂšne mondaine, doit l’instrumentaliser pour produire des effets de vĂ©ritĂ©. La fable met en scĂšne un homme jetĂ© par la tempĂȘte sur une Ăźle inconnue. Les habitants de ce lieu, Ă  la recherche de leur roi Ă©garĂ©, le prennent pour le souverain qu’ils cherchent. Absolu hasard de la rencontre, mĂ©prise sur les personnes, dĂ©sir du roi manquant de la part du peuple insulaire. En deux lignes, la parabole figure sous forme concrĂšte les significations que Pascal veut faire entendre Ă  son Ă©lĂšve. D’abord il veut signifier que le hasard prĂ©side Ă  l’existence et Ă  la situation des uns et des autres, Ă  la fois dans la sociĂ©tĂ© et dans la nature. L’existence est contingente. Elle n’a pas en elle-mĂȘme de raison d’ĂȘtre. [
] vous ne vous trouvez au monde que par une infinitĂ© de hasards. Votre naissance dĂ©pend d’un mariage, ou plutĂŽt de tous les mariages de ceux dont vous descendez. Mais ces mariages, d’oĂč dĂ©pendent-ils? D’une visite faite par rencontre, d’un discours en l’air, de mille occasions imprĂ©vues. » ThĂšme rĂ©current chez Pascal ou dans l’existentialisme. Notre existence n’a pas en soi de justification. D’oĂč l’angoisse et pour Pascal la nĂ©cessitĂ© de la surmonter en pariant Dieu. Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-mĂȘme; je suis dans une ignorance terrible de toutes choses; je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon Ăąme et que cette partie mĂȘme de moi qui pense ce que je dis, qui fait rĂ©flexion sur tout et sur elle-mĂȘme, et ne se connaĂźt non plus que le reste. Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve attachĂ© Ă  un coin de cette vaste Ă©tendue, sans que je sache pourquoi je suis plutĂŽt placĂ© en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donnĂ© Ă  vivre m’est assignĂ© Ă  ce point plutĂŽt qu’à un autre de toute l’éternitĂ© qui m’a prĂ©cĂ©dĂ© et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infinitĂ©s de toutes parts, qui m’enferment comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu’un instant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bientĂŽt mourir, mais ce que j’ignore le plus est cette mort mĂȘme que je ne saurais Ă©viter. » PensĂ©es, B 194. Il y a chez Pascal une insistance Ă  souligner la dimension misĂ©rable de l’existence humaine, Ă  la fois pour comprendre la propension des hommes Ă  se la dissimuler et pour dĂ©noncer la vanitĂ© des chemins empruntĂ©s. Cette misĂšre est celle d’un ĂȘtre ayant Ă©tĂ© dĂ©chu d’une condition originelle marquĂ©e par la fĂ©licitĂ© de l’homme avec Dieu ». C’est lĂ  le prĂ©supposĂ© thĂ©ologique de Pascal. Son analyse de la condition naturelle et de la condition politique des hommes s’enracine dans la tradition chrĂ©tienne. L’homme a perdu sa nature premiĂšre en perdant Dieu mais la perfection divine a laissĂ© en lui un vide qu’il cherche vainement Ă  combler. Il a conscience de sa misĂšre et cette conscience mĂȘme est un signe de sa grandeur. Ni ange, ni bĂȘte, il aspire Ă  une plĂ©nitude qui se refuse, Ă  une justification qu’il ne pourrait trouver que dans un Absolu, en Dieu dit Pascal, mais sa nature corrompue l’incline Ă  les chercher lĂ  oĂč elles ne sont pas dans les biens de l’ordre de la chair et dans ceux de l’ordre de l’esprit. Sans la grĂące divine il ignore que son salut se trouve dans les biens d’un ordre surnaturel, l’ordre de la supĂ©rioritĂ© dont le Christ a donnĂ© la mesure. D’oĂč sa frĂ©nĂ©sie Ă  passer tout le jour Ă  courir aprĂšs un liĂšvre qu’il ne voudrait pas avoir achetĂ© » et sa recherche des marques de reconnaissance sociale, tout cela participant de ce que Pascal appelle le divertissement. Les conduites et les institutions humaines sont toujours pensĂ©es par notre philosophe sur fond de cette misĂšre ontologique. Il s’agit de combler un manque d’ĂȘtre, de tenir en respect une angoisse existentielle, le dĂ©sir de grandeur, d’estime Ă©tant, lui aussi, un moyen de masquer son inconsistance et de demander aux autres la justification manquante. Or Il est faux que nous soyons dignes que les autres nous aiment, il est injuste que nous le voulions. Si nous naissions raisonnables et indiffĂ©rents, et connaissant nous et les autres, nous ne donnerions point cette inclination Ă  notre volontĂ©. Nous naissons pourtant avec elle ; nous naissons donc injustes car tout tend Ă  soi » PensĂ©es, B 477. Qui ne hait en soi son amour-propre, et cet instinct qui le porte Ă  se faire Dieu est bien aveuglĂ©. Qui ne voit que rien n’est si opposĂ© Ă  la justice et Ă  la vĂ©ritĂ© » PensĂ©es, B 492. Les hommes Ă©tant ce qu'ils sont, les ordres Ă©tablis sortent de leur concurrence pour le pouvoir, le prestige, la richesse. Ils ont pour fonction de stabiliser les rapports de force en leur donnant l’autoritĂ© du droit. D'oĂč la nĂ©cessitĂ© d'attacher certains respects aux grandeurs instituĂ©es afin de promouvoir le dĂ©passement de la violence des prĂ©tentions rivales. Pascal voit dans le respect le vĂ©ritable opĂ©rateur de civilitĂ©, le moyen de convertir l'injustice naturelle en justice civile. Mais la civilisation de l’injustice naturelle ne la supprime pas En un mot le moi a deux qualitĂ©s il est injuste en soi en ce qu’il se fait le centre de tout, il est incommode aux autres, en ce qu’il veut les asservir. Car chaque moi est l’ennemi et voudrait ĂȘtre le tyran de tous les autres. Vous en ĂŽtez l’incommoditĂ© mais non pas l’injustice ; et ainsi vous ne le rendez pas aimable Ă  ceux qui en haĂŻssent l’injustice ; vous ne le rendez aimable qu’aux injustes, et ainsi vous demeurez injuste et vous ne pouvez plaire qu’aux injustes » B 455. Au regard de la grandeur christique en effet, les grandeurs de l’ordre de la chair et celles de l’ordre de l’esprit n’en sont pas. C’est dire que nul Grand ne peut se prĂ©valoir de la vĂ©ritable grandeur. Sa supĂ©rioritĂ© n’est qu’un effet de la fantaisie des hommes et des hasards de l’histoire. Elle est aussi contingente que l’existence Vous tenez, dites-vous, vos richesses de vos ancĂȘtres; mais n’est-ce pas par mille hasards que vos ancĂȘtres les ont acquises et qu’ils les ont conservĂ©es? Vous imaginez-vous aussi que ce soit par quelque loi naturelle que ces biens ont passĂ© de vos ancĂȘtres Ă  vous? Cela n’est pas vĂ©ritable. Cet ordre n’est fondĂ© que sur la seule volontĂ© des lĂ©gislateurs qui ont pu avoir de bonnes raisons, mais dont aucune n’est prise d’un droit naturel que vous avez sur ces choses. S’il leur avait plu d’ordonner que ces biens, aprĂšs avoir Ă©tĂ© possĂ©dĂ©s par les pĂšres durant leur vie, retourneraient Ă  la rĂ©publique aprĂšs leur mort, vous n’auriez aucun sujet de vous en plaindre.» Le deuxiĂšme enjeu de la parabole est d’établir que l’imagination est la grande maĂźtresse des reprĂ©sentations aussi bien chez les dominĂ©s que chez les dominants. Elle conforte le Grand dans le sentiment d’une grandeur dont il ne voit pas qu’elle n’est que d’établissement mais elle est aussi ce qui est au principe de la reconnaissance des hiĂ©rarchies Ă©tablies par le peuple. C’est ce qu’indique la mĂ©prise sur la personne du roi. Le naufragĂ© est pris pour le roi disparu. Ce qui lui confĂšre son statut qui, Ă  l’évidence dans l’expĂ©rience de pensĂ©e, est un statut usurpĂ©, tient Ă  certains signes extĂ©rieurs. Il a beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi ». Il faut comprendre que la royautĂ© n’est pas une qualitĂ© physique. Le roi n’est pas roi par son corps physique, il l’est par les attributs de sa fonction, aussi ne se montre-t-il jamais nu mais toujours parĂ© des signes de son pouvoir et de sa dignitĂ© vĂȘtements, emblĂšmes, assemblĂ©e de dignitaires etc. Il figure en sa personne physique une personne morale, celle du peuple unifiĂ© en une communautĂ© d’intĂ©rĂȘts, et cela en vertu de la puissance de l’imagination qui confond l’image de la chose avec la chose elle-mĂȘme. Cf. La coutume de voir les rois accompagnĂ©s de gardes, de tambours, d’officiers, et de toutes les choses qui ploient la machine vers le respect et la terreur, fait que leur visage, quand il est quelquefois seul et sans accompagnements, imprime Ă  leurs sujets le respect et la terreur, parce qu’on se sĂ©pare point dans la pensĂ©e leurs personnes d’avec leurs suites, qu’on y voit d’ordinaire jointes. Et le monde qui ne sait pas que cet effet vient de cette coutume, croit qu’il vient d’une force naturelle ; et de lĂ  viennent ces mots le caractĂšre de la DivinitĂ© est empreint sur son visage, etc. » » PensĂ©es, B 308. Enfin cette parabole montre que l’ordre social n’est pas ce qui est imposĂ© par la force par des dominants mĂȘme si ce qui le sous-tend est, en derniĂšre analyse, la force. Si c’était le cas le peuple libĂ©rĂ© de son roi ne le chercherait pas et ne rendrait pas les respects dus Ă  la fonction royale Ă  celui qu’il prend pour son roi. Cela signifie qu’un ordre social ne tient que par le consentement de ceux qui le constituent. Sa lĂ©gitimitĂ© de fait revĂȘt une lĂ©gitimitĂ© de droit par la grĂące de l’imagination. Sans la conversion de la force en justice, la force ne peut pas fonder un ordre stable. Elle est par elle-mĂȘme impuissante, elle a besoin d’une justification morale et c’est l’imagination qui confĂšre l’apparence du droit Ă  ce qui en soi est Ă©tranger au droit. Pascal a dit cela dans un texte fameux Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nĂ©cessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite parce qu’il y a toujours des mĂ©chants ; la force sans la justice est accusĂ©e. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette Ă  dispute, la force est trĂšs reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n’a pu donner la force Ă  la justice parce que la force a contredit la justice et a dit que c’était elle qui Ă©tait juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fĂ»t fort on a fait que ce qui est fort fĂ»t juste » PensĂ©es, B 298. 3 Le personnage mis en scĂšne se laisse traiter en roi mais il n’ignore pas qu’il n’a aucun titre Ă  le faire. Et c’est ce qui le distingue du vrai roi. Celui-ci a Ă©tĂ© instituĂ© dans la position qui est la sienne. Le pouvoir politique a bien un fondement lĂ©gitime et c’est son institution de fait alors que notre naufragĂ© n’a aucune lĂ©gitimitĂ©. En droit positif, il serait un pur usurpateur et Pascal ne veut pas laisser supposer que c’est le cas des souverains rĂ©els de l’histoire. Je ne veux pas dire qu’ils vos biens, votre statut ne vous appartiennent pas lĂ©gitimement, et qu’il soit permis Ă  un autre de vous les ravir; car Dieu, qui en est le maĂźtre, a permis aux sociĂ©tĂ©s de faire des lois pour les partager; et quand ces lois sont une fois Ă©tablies, il est injuste de les violer. C’est ce qui vous distingue un peu de cet homme qui ne possĂ©derait son royaume que par l’erreur du peuple; parce que Dieu n’autoriserait pas cette possession, et l’obligerait Ă  y renoncer, au lieu qu’il autorise la vĂŽtre. Mais ce qui vous est entiĂšrement commun avec lui, c’est que ce droit que vous y avez n’est point fondĂ©, non plus que le sien, sur quelque qualitĂ© et sur quelque mĂ©rite qui soit en vous et qui vous en rende digne. Votre Ăąme et votre corps sont d’eux-mĂȘmes indiffĂ©rents Ă  l’état de batelier ou Ă  celui de duc; et il n’y a nul lien naturel qui les attache Ă  une condition plutĂŽt qu’à une autre. » Le naufragĂ© n’a aucun titre positif Ă  ĂȘtre roi. Le rĂŽle qu’il accepte d’endosser est une pure imposture et il y a tout lieu de penser qu’il s’expose Ă  ĂȘtre dĂ©masquĂ© un jour ou l’autre. Pascal le suggĂšre en disant que Dieu n’autoriserait pas cette possession, et l’obligerait Ă  y renoncer ». C’est la limite de la fiction utilisĂ©e pour instruire le jeune prince. Il ne s’agit pas de prĂ©tendre que les grandeurs d’établissement sont des usurpations du type de celle que figure le personnage de la parabole. En ce sens il y a une grande diffĂ©rence entre lui et le roi de l’histoire. RĂ©ponse Ă  la question 5 La remarque suggĂšre aussi que la position de Pascal est moins conventionnaliste qu’elle s’affiche. Car si l’institution sociale est de pure convention, les conventions sociales sont prĂ©sentĂ©es ici comme cautionnĂ©es par la loi divine ou loi naturelle. La citĂ© des hommes n’est pas la citĂ© de Dieu, et en ce sens elle n’a aucun fondement naturel, cela Ă©tant les Etats correspondent aux besoins de la nature humaine, Ă  l’ordre naturel tel qu’il a Ă©tĂ© voulu par Dieu. Il faut rendre Ă  CĂ©sar ce qui est Ă  CĂ©sar et Ă  Dieu ce qui est Ă  Dieu » lit-on dans Matthieu, XXII, 21 et le premier thĂ©ologien chrĂ©tien du droit naturel de l’Etat, St Paul Ă©crit Que toute personne soit soumise aux autoritĂ©s supĂ©rieures ; car il n’y a point d’autoritĂ© qui ne vienne de Dieu et les autoritĂ©s qui existent ont Ă©tĂ© instituĂ©es par Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose Ă  l’autoritĂ© rĂ©siste Ă  l’ordre que Dieu a Ă©tabli ». EpĂźtre aux Romains XIII Cette rĂ©serve Ă©tant soulignĂ©e, il y a un point commun entre le roi de la parabole et le roi de l’histoire. L’un et l’autre n’ont aucun titre naturel Ă  se prĂ©valoir de leur statut social. Celui-ci n’a pas de fondement naturel, il n’a qu’un fondement conventionnel. VoilĂ  pourquoi il est important que le Grand ait une double pensĂ©e ». PensĂ©e publique, officielle d’une part, pensĂ©e intĂ©rieure, secrĂšte d’autre part. Notons que Pascal ne les met pas sur le mĂȘme plan. L’une est plus vĂ©ritable » que l’autre, entendons, elle est plus conforme Ă  la vĂ©ritĂ© des choses. Dans le for intĂ©rieur, elle permet Ă  chacun, au Grand comme aux autres, de savoir que nul n’a un titre naturel Ă  se prĂ©valoir d’une supĂ©rioritĂ© de droit. En nature les hommes sont Ă©gaux, nul n’est nĂ© absolument supĂ©rieur Ă  un autre. Les inĂ©galitĂ©s physiques, intellectuelles ne sont pas synonymes d’inĂ©galitĂ© morale. Les enfants de Dieu sont Ă©gaux aussi bien en qualitĂ© de crĂ©atures de Dieu que de crĂ©atures dĂ©chues. Le Grand, socialement, ne doit pas afficher cette pensĂ©e cachĂ©e, pensĂ©e de derriĂšre » comme l’appelle aussi Pascal car il doit assumer son rĂŽle social. Par sa seconde pensĂ©e, il doit donc avoir une conscience, non moins claire, de sa position sociale afin d’en assumer les obligations avec le sens des convenances propres aux Ă©tablissements humains. Par l’une, il doit traiter avec lui-mĂȘme, par l’autre il doit traiter avec le peuple. 4 L’ordre social, vient-on de comprendre, n’a pas de fondement naturel. Les rapports gouvernants-gouvernĂ©s sont conventionnellement Ă©tablis. Ils ne dĂ©rivent pas de la nature des choses. En effet, aucun homme, n’est par nature, habilitĂ© Ă  gouverner d’autres hommes. Platon le disait Ă  sa maniĂšre Ce ne sont pas des bƓufs que nous prenons pour rĂ©gir des bƓufs, pas davantage des chĂšvres pour rĂ©gir des chĂšvres, mais c’est nous, en tant que nous sommes d’une autre espĂšce supĂ©rieure Ă  la leur, qui sommes leurs maĂźtres » Lois, 713 d-e. St Augustin aussi Dieu a voulu que l’ĂȘtre raisonnable fait Ă  son image ne dominĂąt que sur des ĂȘtres irraisonnables, non pas l’homme sur l’homme, mais l’homme sur la bĂȘte. VoilĂ  pourquoi les premiers justes Ă©taient Ă©tablis comme pasteurs de troupeaux plutĂŽt que comme rois des hommes » St Augustin. La CitĂ© de Dieu, XIX, 15. Il s’ensuit que seul un ĂȘtre d’une essence supĂ©rieure Ă  l’humaine nature pourrait ĂȘtre autorisĂ© Ă  revendiquer une vĂ©ritable supĂ©rioritĂ© et seul un tel ĂȘtre pourrait ordonner les rapports humains selon la loi de justice et d’amour. On a traditionnellement donnĂ© le nom de Dieu Ă  cet idĂ©al et les instituteurs lĂ©gendaires des peuples ont cherchĂ© Ă  gouverner en son nom MoĂŻse, Mahomet par exemple. ManiĂšre de pointer le caractĂšre aporĂ©tique du problĂšme politique. Car Il ne naĂźt pas dans les Etats de roi comme il en Ă©clĂŽt dans les ruches, douĂ©s de naissance d’un corps et d’un esprit supĂ©rieur » Ă©crit Platon, Politique, 301 c. Votre Ăąme et votre corps sont d’eux-mĂȘmes indiffĂ©rents Ă  l’état de batelier ou Ă  celui de duc; et il n’y a nul lien naturel qui les attache Ă  une condition plutĂŽt qu’à une autre. » dit Pascal. Avec ce propos, le philosophe s’inscrit clairement dans une position conventionnaliste en matiĂšre juridique et politique. Ce qui fonde les ordres politiques c’est d’avoir Ă©tĂ© instituĂ©s. Ils ne sont pas fondĂ©s en nature ou en raison. Ils sont contingents et ne peuvent se prĂ©valoir d’une justice naturelle. Leur justice n’est que de convention mais il ne s’agit pas d’en discuter la lĂ©gitimitĂ© dans l’ordre qui est le leur. L’institution juridique repose sur de bonnes raisons dont la plus essentielle est d’assurer la paix civile. VoilĂ  pourquoi il n’est pas souhaitable que ceux qui ont Ă  obĂ©ir aux lois aient l’intelligence de leur caractĂšre conventionnel. Ils pourraient ĂȘtre tentĂ©s de cesser d’obĂ©ir. Ce serait sans victoire pour la vraie justice et trĂšs prĂ©judiciable pour la paix civile rĂ©ponse Ă  la question 6. En revanche du point de vue de l’ordre de la supĂ©rioritĂ© vĂ©ritable, les ordres civils sont des figures de dĂ©sordre et d’injustice. Conclusion Pascal dĂ©gage Ă  la fin de son texte les implications morales de son analyse. Il en est des Grands ce qu’il en est de notre naufragĂ©. Ils n’ont aucun titre naturel Ă  se prĂ©valoir du statut de supĂ©rioritĂ© que la fantaisie des conventions humaines et les hasards de l’histoire leur ont octroyĂ©. Cette prise de conscience est nĂ©cessaire pour s’affranchir de la morgue, de la vanitĂ©, de l’insolence voire de la cruautĂ© que se permettent trop souvent ceux qui vivent dans la mĂ©connaissance de la vĂ©ritĂ© de leur condition naturelle et de leur condition sociale. Car tous les emportements, toute la violence, et toute la vanitĂ© des Grands, vient de ce qu’ils ne connaissent point ce qu’ils sont Ă©tant difficile que ceux qui se regarderaient intĂ©rieurement comme Ă©gaux Ă  tous les hommes, et qui seraient bien persuadĂ©s qu’ils n’ont rien en eux qui mĂ©rite ces petits avantages que Dieu leur a donnĂ©s au-dessus des autres, les traitassent avec insolence. Il faut s’oublier soi-mĂȘme pour cela, et croire qu’on a quelque excellence rĂ©elle au-dessus d’eux; en quoi consiste cette illusion, que je tĂąche de vous dĂ©couvrir. » Questions portant sur le deuxiĂšme discours 1 Explicitez le sens de la distinction entre les grandeurs naturelles et les grandeurs d'Ă©tablissement. 2 Expliquez Aux grandeurs d'Ă©tablissement, nous leur devons des respects d'Ă©tablissement, c'est-Ă -dire certaines cĂ©rĂ©monies extĂ©rieures qui doivent ĂȘtre nĂ©anmoins accompagnĂ©es, selon la raison, d'une reconnaissance intĂ©rieure de la justice de cet ordre.» Pointez le paradoxe. Qu'est-ce qui justifie le propos de Pascal? 3 Quel usage Pascal fait-il de la notion de justice et d'injustice? Utilisez le commentaire du texte du philosophe portant sur les trois ordres pour approfondir votre rĂ©ponse. Correction sous forme de commentaire de texte. Introduction Qu’est-ce que les hommes reconnaissent comme des grandeurs thĂšme ou des valeurs ? Question La thĂšse de Pascal consiste Ă  dire qu’il y a deux ordres de grandeurs, la premiĂšre partie s’efforçant de dĂ©terminer la nature de ce qu’il appelle des grandeurs d’établissement et des grandeurs naturelles. Il va de soi que ces diffĂ©rentes grandeurs appellent diffĂ©rents types de respect. Aux grandeurs d’établissement, respect d’établissement ; aux grandeurs naturelles, respect naturel. Telle est la thĂšse qui a rendu Pascal cĂ©lĂšbre. Mais ce n’est lĂ  que le premier niveau de la problĂ©matique du texte, le plus simple. Ce qui est beaucoup plus subtil est le jugement formulĂ© Ă  propos des respects d’établissement. Ils doivent, apprend-on, ĂȘtre nĂ©anmoins accompagnĂ©s selon la raison d’une reconnaissance intĂ©rieure de la justice de cet ordre ». Ou bien C’est une sottise et une bassesse d’esprit que de leur refuser ces devoirs ».VoilĂ  qui a de quoi surprendre. N’est-il pas contradictoire de fonder en raison, ce qui a Ă©tĂ© prĂ©alablement analysĂ© comme une simple convention, expression de la fantaisie et de l’arbitraire humains ? Peut-on Ă  la fois disjoindre radicalement un ordre naturel et un ordre conventionnel au point de rĂ©cuser toute prĂ©tention Ă  fonder naturellement l’établissement humain et lĂ©gitimer celui-ci comme juste selon la raison ? L’élucidation de ce paradoxe constitue le point le plus important de ce texte oĂč Pascal livre sa conception, proprement tragique de l’ordre politique. I Les deux sortes de grandeurs. Distinguer des grandeurs ou des ordres ; Pascal est coutumier de ce souci. On se souvient de la distinction des trois ordres. Ici, la distinction ne s’opĂšre pas au sein de la nature, entre les corps et les esprits, ou entre la nature et la surnature c’est-Ă -dire entre les deux premiers ordres de l’extĂ©rioritĂ© et de l’intĂ©rioritĂ© et l’ordre de la supĂ©rioritĂ©. Elle s’opĂšre entre ce qui est par nature, comme disaient les sophistes et ce qui est par convention, L’objet auquel s’applique cette distinction est ce que Pascal appelle les grandeurs. Il faut comprendre sous cette dĂ©nomination, ce que les hommes reconnaissent comme une valeur, une supĂ©rioritĂ© ou une dignitĂ©. 1° Les grandeurs conventionnelles. Ce sont toutes celles que les hommes sont convenus, par des accords tacites ou explicites, d’instituer comme telles. Une convention est en effet ce qui dĂ©coule de la dĂ©cision humaine. Toute institution, tout Ă©tablissement humain, met en jeu des conventions. Or, l’observation des faits le montre, les conventions ont la relativitĂ© des apprĂ©ciations humaines. Ce que prĂ©cise le texte au moyen d’exemples. En France, au 17° siĂšcle on confĂšre une supĂ©rioritĂ© aux nobles, c’est-Ă -dire aux descendants des conquĂ©rants germains, en Suisse Ă  la mĂȘme Ă©poque on honore les roturiers. Ici on donne un privilĂšge Ă  l’aĂźnĂ©, lĂ  au cadet. Pascal souligne le caractĂšre arbitraire et contingent des hiĂ©rarchies sociales. C’est ainsi » mais cela pourrait ĂȘtre autrement. La distinction entre ce qu’une sociĂ©tĂ© honore et ce qu’elle mĂ©prise n’a pas de fondement naturel. La chose Ă©tait indiffĂ©rente avant l’établissement ». C’est la volontĂ© des hommes qui dĂ©cide ici, d’instituer le droit d’aĂźnesse, ailleurs le droit du cadet. En nature, il n’y a pas plus de raison d’affirmer le privilĂšge de l’un que celui de l’autre. Ce sont lĂ  des conventions propres Ă  chaque peuple. Pour qu’il n’y ait aucune ambiguĂŻtĂ© sur ce point, Pascal se fait explicite. Qu’est-ce qui est au principe de ces conventions ? La rĂ©ponse Parce qu’il a plu aux hommes » rĂ©vĂšle qu’elles n’ont pas d’autre justification que le bon plaisir des peuples. Avec la notion de plaisir le philosophe enracine les institutions dans la sphĂšre des dĂ©sirs ou dans son langage, des concupiscences et dans la toute puissance de l’imagination. On ne peut pointer davantage l’arbitraire et la relativitĂ© des Ă©tablissements humains et donc des lois, et donc de la justice. Avant la convention qui dĂ©cide de ces dĂ©terminations il n’y a ni juste, ni injuste. Mais dĂšs que la convention a force de loi, le juste s’identifie au respect de la lĂ©galitĂ©, l’injuste Ă  l’illĂ©galitĂ©. Le texte donne une premiĂšre explication de cette nĂ©cessitĂ© politique en faisant rĂ©fĂ©rence au trouble public Cf. troubler. On comprend que l’enjeu des conventions est d’assurer l’ordre public et seuls des accords communĂ©ment consentis peuvent cohĂ©rer des sociĂ©tĂ©s humaines. L’important n’est pas la rationalitĂ© de l’accord, c’est sa capacitĂ© Ă  promouvoir l’ordre social. De ce point de vue, il faut appeler injuste ce qui menace la stabilitĂ© des institutions, ce qui est facteur de dĂ©sordre c’est-Ă -dire de violence. 2° Les grandeurs naturelles. Naturelles se comprend par opposition Ă  conventionnelles. En droit, ce qui est fondĂ© en nature est ce qui est fondĂ© en raison. Ce qui est par nature est indĂ©pendant de la relativitĂ© et de l’arbitraire humains. Seule une raison affranchie du prĂ©jugĂ© peut en saisir la nĂ©cessitĂ© propre et l’universalitĂ©. Par exemple, la vertu de sagesse est une valeur dans l’absolu, non relativement Ă  la fantaisie des peuples. Elle est ce qu’elle est par dĂ©termination objective non par apprĂ©ciation fantaisiste. Le texte parle de qualitĂ©s rĂ©elles et effectives ». RĂ©el s’oppose Ă  fictif. Le fictif n’existe que dans l’imagination des hommes et n’a pas d’effectivitĂ©. On entend par effectivitĂ© » la capacitĂ© de produire des effets, de s’attester concrĂštement. La force peut soulever des haltĂšres, la faiblesse ne le peut pas. Le courage peut triompher du danger, la lĂąchetĂ© en est bien incapable. Les supĂ©rioritĂ©s naturelles sont en soi des supĂ©rioritĂ©s et devraient donc ĂȘtre reconnues par tout esprit normalement constituĂ©. 3° Les deux genres de respect relatifs aux deux genres de grandeurs. Ces deux sortes de grandeurs fondent des devoirs diffĂ©rents. Un devoir ou une obligation c’est ce Ă  quoi on est tenu en vertu d’une loi. Qu’il s’agisse des grandeurs conventionnelles ou des grandeurs naturelles, on est tenu au respect car toute dignitĂ© oblige. Mais ce respect n’est pas de mĂȘme nature dans les deux cas. Aux grandeurs d’établissement respect d’établissement dit Pascal. Que faut-il entendre par lĂ  ? Que tout ordre social implique des rĂšgles de civilitĂ© relatives aux hiĂ©rarchies instituĂ©es. L’usage veut qu’on parle aux rois Ă  genoux, qu’on se tienne debout dans la chambre des princes. On peut transposer ces exemples dans les usages de notre Ă©poque. La politesse et le respect dus Ă  la fonction veulent qu’au tribunal on se lĂšve lorsque les magistrats pĂ©nĂštrent dans le prĂ©toire, qu’on ne parle pas Ă  un ministre, un prĂ©fet ou Ă  un professeur comme Ă  un copain ou Ă  un chien. Ce sont lĂ  des cĂ©rĂ©monies extĂ©rieures » entendons, une maniĂšre de se conduire oĂč l’essentiel consiste dans la conformitĂ© extĂ©rieure de l’attitude Ă  la rĂšgle sociale. Les marques conventionnelles de respect on tĂ©moigne d’une certaine rĂ©serve, on s’incline, on s’incommode » dit Pascal n’impliquent pas le consentement intĂ©rieur de l’ñme qui est au contraire le propre du respect Ă©prouvĂ© Ă  l’endroit des grandeurs naturelles. Celles-ci forcent l’estime, l’admiration. Elles suscitent des sentiments or les sentiments ne se commandent pas par dĂ©cret. Ils ont une spontanĂ©itĂ© tĂ©moignant qu’en prĂ©sence de certaines valeurs, la sensibilitĂ© rĂ©agit d’une certaine maniĂšre. Ce qui est identifiĂ© comme une supĂ©rioritĂ© naturelle suscite une espĂšce de retenue, de dĂ©fĂ©rence. On se sent enclin Ă  tĂ©moigner des Ă©gards Ă  la vertu, Ă  l’intelligence, Ă  leur rendre hommage, fĂ»t-ce dans le silence et le secret de l’intĂ©rioritĂ©. Il n’y a que les grandeurs naturelles qui soient ainsi capables de s’imposer Ă  la raison et Ă  la sensibilitĂ© et de les disposer intĂ©rieurement Ă  la reconnaissance de leur valeur. Nous ne devons les respects naturels qu’aux grandeurs naturelles » Ă©crit Pascal. La perspective est ici morale. Pascal ne dit pas que les hommes Ă©prouvent naturellement du respect pour les grandeurs naturelles. Ce serait mĂ©connaĂźtre la subversion de la raison par l’imagination, la toute puissance du prĂ©jugĂ© ou tout simplement la petitesse de certains esprits, que cela soit dĂ» Ă  l’absence d’éducation ou Ă  autre chose. L’expĂ©rience montre en effet qu’un Hitler ou un Staline ont suscitĂ© l’estime alors qu’un JĂ©sus a dĂ» essuyer les quolibets de la foule. Un caĂŻd est admirĂ© dans certains espaces alors qu’un honnĂȘte jeune homme peut ĂȘtre moquĂ©. Un professeur fort savant peut ĂȘtre chahutĂ© par des Ă©lĂšves n’ayant pas l’intelligence nĂ©cessaire Ă  la comprĂ©hension de leur propre infĂ©rioritĂ© Ă  l’endroit de la supĂ©rioritĂ© qui est en face d’eux. Rien n’est plus difficile que de savoir identifier les vraies valeurs. On se souvient que Descartes en fait le privilĂšge des Ăąmes bien nĂ©es. Pascal n’ignore pas le problĂšme. En se rĂ©fĂ©rant Ă  un ordre naturel de valeurs, il veut simplement conduire le prince auquel il s’adresse Ă  ne pas confondre les hiĂ©rarchies sociales avec les hiĂ©rarchies naturelles. Il lui rappelle que dans son for intĂ©rieur tout homme, fĂ»t-il le plus misĂ©rable socialement, est une citadelle inexpugnable. Nul ne peut ĂȘtre contraint Ă  juger estimable ce qui ne l’est pas. La libertĂ© intellectuelle et morale est inaliĂ©nable. Il n’est pas nĂ©cessaire parce que vous ĂȘtes duc, que je vous estime ; mais il est nĂ©cessaire que je vous salue. Si vous ĂȘtes duc et honnĂȘte homme, je rendrai ce que je dois Ă  l’une et Ă  l’autre de ces qualitĂ©s. Je ne vous refuserai pas les cĂ©rĂ©monies que mĂ©rite votre qualitĂ© de duc, ni l’estime que mĂ©rite celle d’honnĂȘte homme. Mais si vous Ă©tiez duc sans ĂȘtre honnĂȘte homme, je vous ferais encore justice, car en vous rendant les devoirs que l’ordre des hommes a attachĂ©s Ă  votre naissance, je ne manquerai pas d’avoir pour vous le mĂ©pris intĂ©rieur que mĂ©riterait la bassesse de votre esprit ». NB L’existence d’ordres diffĂ©rents de grandeurs et de respects expose au risque de confusion des ordres c’est-Ă -dire Ă  ce que Pascal appelle la tyrannie, le ridicule ou l’injustice. Par exemple, il est tyrannique d’exiger un respect naturel pour une grandeur conventionnelle de mĂȘme qu’il est injuste de rendre un respect d’établissement Ă  ce qui est une grandeur naturelle. II Elucidation du paradoxe. 1° EnoncĂ© du paradoxe. Aux grandeurs d’établissement, nous leur devons les respects d’établissement c’est-Ă -dire certaines cĂ©rĂ©monies extĂ©rieures qui doivent ĂȘtre accompagnĂ©es, selon la raison d’une reconnaissance intĂ©rieure de la justice de cet ordre mais qui ne nous font pas concevoir quelque qualitĂ© rĂ©elle en ceux que nous honorons de la sorte ». Etonnante affirmation pouvant paraĂźtre scandaleuse. Pourquoi ? Parce qu’un ordre conventionnel, explicitement analysĂ© par l’auteur comme ordre arbitraire, ne pouvant se prĂ©valoir d’un fondement plus solide que le bon plaisir ou l’imaginaire des peuples n’a, nous semble-t-il, aucun titre du point de vue de la raison, Ă  ĂȘtre reconnu juste. Qu’il faille se conformer aux normes sociales, soit, qu’il faille de surcroĂźt reconnaĂźtre la justice d’un systĂšme normatif arbitraire c’en est trop. Juste en effet, ce qui peut ĂȘtre justifiĂ© moralement et pas seulement ce qui a Ă©tĂ© dĂ©crĂ©tĂ© tel. Nous pensons donc que seul un ordre conventionnel respectueux de la loi intĂ©rieure de l’esprit peut prĂ©tendre au consentement intĂ©rieur de la raison. En termes classiques, nous considĂ©rons que le droit positif doit se fonder sur le droit naturel pour avoir une lĂ©gitimitĂ© et seule cette lĂ©gitimitĂ© mĂ©rite d’ĂȘtre cautionnĂ©e rationnellement. Il est donc paradoxal de dire Ă  la fois qu’un ordre est arbitraire et fantaisiste et qu’il est juste selon la raison. Soit un ordre est arbitraire et on signifie qu’il n’est pas justifiable en raison, soit il est justifiable rationnellement et il est contradictoire de le dĂ©crire comme arbitraire ou fantaisiste. 2° Justification du paradoxe la confusion des ordres. En droit en effet la justice est ce qui est fondĂ© en raison et il ne s’agit pas de croire que Pascal n’assentirait pas Ă  ces propos. Il le dit explicitement en affirmant que seules les grandeurs naturelles peuvent inspirer un respect naturel. Il s’ensuit que s’il Ă©tait possible de construire un ordre social sur des fondements naturels ou rationnels, ce ne serait pas Pascal qui s’en plaindrait. Mais voilĂ , toute l’originalitĂ© de notre philosophe, consiste Ă  Ă©tablir que cette espĂ©rance n’est qu’une vaine illusion voire une insupportable prĂ©tention. Une telle espĂ©rance revient Ă  mĂ©connaĂźtre que s’il y a une justice propre Ă  l’ordre de l’intĂ©rioritĂ©, celle-ci est fort peu juste du point de vue de la sagesse de l’ordre de la supĂ©rioritĂ©. Au fond la mĂ©connaissance de l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des ordres conduit Ă  faire preuve d’injustice au sens pascalien. L’injustice consiste toujours Ă  exiger d’un ordre des vertus n’ayant d’effectivitĂ© que dans un autre. Par exemple, il est injuste de demander aux gens de chair de s’incliner devant la supĂ©rioritĂ© intellectuelle comme il est injuste de demander aux gens d’esprit qu’ils reconnaissent l’autoritĂ© de la force. Subordonner la lĂ©gitimation de l’ordre politique Ă  la rectitude morale relĂšve de la mĂȘme erreur. Pascal ne dit pas erreur, il dit tyrannie, injustice ou ridicule. Il y a une justice interne Ă  chaque ordre qu’il serait injuste de ne pas reconnaĂźtre rationnellement. La question qu’il nous faut donc Ă©lucider est la suivante Quelle est la justice inhĂ©rente Ă  l’ordre politique qui, tout arbitraire qu’il soit, doit ĂȘtre selon la raison » reconnu comme juste ? A ce niveau de l’analyse il faut bien admettre que Pascal fait un usage problĂ©matique de l’expression selon la raison » car son analyse du politique ne se dĂ©ploie pas sur des prĂ©supposĂ©s purement rationalistes. Au contraire, elle ne prend sens que sur fond de sa critique radicale de la raison dont le procĂšs est instruit sur des prĂ©supposĂ©s thĂ©ologiques. a Figures de la corruption de notre nature la souverainetĂ© de l’ordre naturel. Le thĂšme donnant sens au propos pascalien est celui de la corruption de notre nature. L’homme a perdu la perfection originelle. Sa nature est une nature dĂ©chue, corrompue par le pĂ©chĂ©. Les deux ordres naturels, aussi bien celui de l’esprit que celui des corps participent de cette dĂ©chĂ©ance. Or l’ordre politique, c’est-Ă -dire la nĂ©cessitĂ© d’un pouvoir pour rĂ©gler l’usage de la force et lier les hommes selon des lois, dĂ©ploie son effectivitĂ© dans les deux premiers ordres. Il s’ensuit qu’il doit ĂȘtre assignĂ© Ă  la condition postlapsaire de l’homme et que la politique est Ă©trangĂšre Ă  l’économie de la grĂące. Sa naturalitĂ© relevant de la nature de l’homme pĂ©cheur, il est vain de lui demander d’ĂȘtre fondĂ©e sur l’exigence transcendante de justice. Seule une nature rĂ©novĂ©e par la grĂące peut avoir le sens de la vĂ©ritable justice mais il y a lĂ  quelque chose de surnaturel Cf. l’ordre de la charitĂ© ou de la supĂ©rioritĂ©. La justice est la vertu de la citĂ© de Dieu et au regard de la citĂ© de Dieu la citĂ© des hommes ne peut ĂȘtre qu’une figure de dĂ©sordre et d’injustice. Mais l’ordre politique qui est une figure de dĂ©sordre et d’injustice selon l’ordre de la grĂące revĂȘt dans l’ordre de la nature corrompue, une lĂ©gitimitĂ© correspondant Ă  sa nĂ©cessitĂ©. Signe de l’état de chute et de corruption il est justifiĂ©, quels que soient ses visages historiques, par le fait qu’il maĂźtrise en partie les effets du pĂ©chĂ© l’ayant rendu nĂ©cessaire. Il y a donc une double fonction de la doctrine des ordres une fonction critique et une fonction de lĂ©gitimation. Le juste interne Ă  l’ordre politique, ordre conventionnel, ne se mesure pas Ă  l’aune d’une grandeur surnaturelle mais Ă  sa vĂ©ritable fin consistant Ă  satisfaire les dĂ©sirs et les intĂ©rĂȘts des hommes et d’abord cet intĂ©rĂȘt majeur qui est de les protĂ©ger de leur violence rĂ©ciproque. Les rois, les ministres, les assemblĂ©es sont par nature des grands de chair. Ce sont des rois de concupiscence. Ils ont Ă  remplir les fonctions de cet ordre, la premiĂšre Ă©tant de nous sauver du pire des maux Ă  savoir de la guerre de tous contre tous. Nous devons leur rendre cette justice. Les choses du monde les plus dĂ©raisonnables deviennent les plus raisonnables Ă  cause du dĂ©rĂšglement des hommes. Qu’y a-t-il de moins raisonnable que de choisir, pour gouverner un Etat, le premier fils d’une reine ? On ne choisit pas pour gouverner un vaisseau celui des voyageurs qui est de la meilleure maison. Cette loi serait ridicule et injuste ; mais parce qu’ils le sont et le seront toujours, elle devient raisonnable et juste, car qui choisira-t-on, le plus vertueux et le plus habile ? Nous voilĂ  incontinent aux mains, chacun prĂ©tend ĂȘtre ce plus vertueux et ce plus habile. Attachons donc cette qualitĂ© Ă  quelque chose d’incontestable. C’est le fils aĂźnĂ© du roi ; cela est net, il n’y a point de dispute. La raison ne peut faire mieux, car la guerre civile est le plus grand des maux » On peut lire aussi la pensĂ©e B325. Ce propos donne la mesure du tragique pascalien. Il donne sa substance au thĂšme de la corruption de notre nature, thĂšme constituant, rappelons le, le site d’oĂč parle Pascal. Il faut reconnaĂźtre une justice des conventions sociales mĂȘme s’il convient de la faire avec ce que Pascal appelle la pensĂ©e de derriĂšre » c’est-Ă -dire avec ce recul permettant de ne pas confondre les ordres et donc de ne pas concevoir quelque qualitĂ© rĂ©elle en ceux que nous honorons de cette sorte ». b L’impuissance de la raison humaine Ă  dĂ©terminer adĂ©quatement les valeurs. C’est que la raison humaine est impuissante Ă  dire le vrai, le bien ou le juste. De sa perfection premiĂšre, l’homme a gardĂ© la trace en creux de l’idĂ©e de justice, ce qui le conduit Ă  dĂ©noncer l’injustice mais cette trace est une place vide. Encore qu’on ne puisse assigner le juste, on voit bien ce qui ne l’est pas » dit Pascal. D’oĂč les disputes incessantes entre les hommes et la nĂ©cessitĂ© de se mettre d’accord pour garantir la paix. Ici on dĂ©cidera que celui qui mettra tout le monde d’accord est le fils aĂźnĂ© du roi, lĂ  que c’est l’avis d’une majoritĂ©. La justice de l’accord n’est pas sa conformitĂ© Ă  la vraie justice, c’est la paix qu’il assure. Que cet accord se rĂ©alise sur le principe dĂ©mocratique de la majoritĂ© ou sur le principe monarchique de la souverainetĂ© de droit divin peu importe. Dans tous les cas les hommes s’entendent sur des principes conventionnels qui sont des principes corrompus. Il n’y a pas de salut dans la sphĂšre du politique. Mais celle-ci est incontournable pour contenir les effets de notre dĂ©raison. VoilĂ  pourquoi Pascal conseille au prince de laisser croire au peuple que les rĂšgles assurant l’ordre public sont justes. Cette illusion est vectrice d’obĂ©issance et l’obĂ©issance est absolument nĂ©cessaire. DĂ©voiler l’illusion serait sans gain pour la vraie justice et calamiteux pour la paix civile. Ce ne serait pas charitĂ©, ce serait haine. Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n’y obĂ©it qu’à cause qu’il les croit justes. C’est pourquoi il faut lui dire en mĂȘme temps qu’il y faut obĂ©ir parce qu’elles sont lois, comme il faut obĂ©ir aux supĂ©rieurs, non pas parce qu’ils sont justes mais parce qu’ils sont supĂ©rieurs. Par lĂ , voilĂ  toute sĂ©dition prĂ©venue si on peut faire entendre cela, et ce que c’est prĂ©cisĂ©ment que la dĂ©finition de la justice » PensĂ©e. c La subversion de la raison par l’imagination. Ce thĂšme de l’impuissance de la raison humaine Ă  dĂ©terminer positivement le juste s’articule Ă  celui de la subversion de la raison par l’imagination, autre figure de la corruption de notre nature. Bien avant la cĂ©lĂšbre analyse de Rousseau dans le Contrat Social Pascal montre que la justice Ă©tant sujette Ă  dispute, on n’a pu faire que la justice soit forte. Mais comme un ordre est absolument nĂ©cessaire, on a fait en sorte que la force soit juste ». Cette supercherie est l’Ɠuvre de l’imagination. Les cordes qui attachent le respect des uns envers les autres en gĂ©nĂ©ral sont cordes de nĂ©cessitĂ©, car il faut qu’il y ait diffĂ©rents degrĂ©s, tous les hommes voulant dominer, et tous ne le pouvant pas, mais quelque uns le pouvant. Figurons nous donc qu’ils se battront jusqu’à ce que la plus forte partie opprime la plus faible, et qu’enfin il y ait un parti dominant. Mais quand cela est une fois dĂ©terminĂ©, alors les maĂźtres, qui ne veulent pas que la guerre continue, ordonnent que la force qui est entre leurs mains leur succĂ©dera comme il leur plaĂźt les uns la remettront Ă  l’élection des peuples, les autres Ă  la succession de naissance etc. Et c’est lĂ  oĂč l’imagination commence Ă  jouer son rĂŽle. Jusque lĂ  la pure force l’a fait ici c’est la force qui se tient par l’imagination en un certain parti, en France des gentilshommes, en Suisse des roturiers, etc. Or ces cordes qui attachent donc les respects Ă  tel ou tel en particulier sont des cordes d’imagination » PensĂ©e. B. 304. Cette capacitĂ© de l’imagination Ă  subvertir la raison et Ă  imposer la force en la parant du prestige du droit, pointe l’étendue de la corruption de notre nature. Car l’imagination est l’activitĂ© de l’esprit au service des diverses concupiscences oeuvrant dans la nature humaine. Il s’ensuit qu’elle ressortit de l’ordre de la chair. Sa fonction est de satisfaire les appĂ©tits de pouvoir, de richesse, de gloire, de vanitĂ©, appĂ©tits ambigus car s’il n’y a pas lieu d’en ĂȘtre fier, ils sont nĂ©anmoins le ressort du dynamisme de la vie. Les enfants de Port Royal auxquels on ne donne point cet aiguillon d’envie et de gloire tombent dans la nonchalance » reconnaĂźt la pensĂ©e Mais enfin ce sont bien ces appĂ©tits qui nous expulsent de la surnature. Ils conduisent chacun Ă  se penser comme centre et lĂ  est le principe du pĂ©chĂ©. Quel dĂ©rĂšglement de jugement, par lequel il n’y a personne qui ne se mette au dessus de tout le reste du monde, et qui n’aime mieux son propre bien et la durĂ©e de son bonheur et de sa vie, que celle de tout le reste du monde » Par cette propension Ă  se faire le centre de tout, les hommes ne peuvent donc prĂ©tendre vivre dans la justice. Il faudrait pour cela, ce qui est proprement impossible se dĂ©pouiller de toute volontĂ© particuliĂšre, n’aspirer Ă  aucun bien qui ne puisse ĂȘtre partagĂ© par tous. Il faudrait prĂ©fĂ©rer au bien individuel le bien de l’ensemble, ce qui en toute rigueur est une subversion de l’ordre naturel des choses. Seule la grĂące peut rendre possible la capacitĂ© de l’infĂ©rieur Ă  s’élever au supĂ©rieur. Autant dire que ce salut s’effectue hors du politique. C’est le miracle de la foi condamnant en ce monde Ă  la tragĂ©die de la Croix. Conclusion RĂȘver d’un ordre qui serait humainement faisable et qui ne serait point un dĂ©sordre, c’est tout mĂ©langer, c’est prendre les hommes pour des dieux ou pour des anges ; c’est l’erreur des philosophes. Il faut donc savoir que l’ordre n’est qu’apparent et que c’est un vĂ©ritable dĂ©sordre, mais il faut faire comme si ce dĂ©sordre Ă©tait un ordre vĂ©ritable ; la plupart des hommes ne sont pas capables de cette doctrine et il faut leur prĂ©senter le dĂ©sordre rĂ©el comme un ordre rĂ©el. Car ils ne peuvent y obĂ©ir et s’y soumettre que s’ils croient que c’est un ordre rĂ©el et que les principes en sont justes. Pascal est donc d’une certaine maniĂšre l’exact envers de Rousseau. Tous deux voient dans l’ordre social tel qu’il existe rĂ©ellement une apparence qui cache un vĂ©ritable dĂ©sordre ; tous deux voient dans la prĂ©tendue union civile une forme souveraine d’opposition et de dĂ©sunion ; tous deux voient dans la paix Ă  laquelle tous aspirent une forme de guerre de tous contre tous. Mais lĂ  oĂč Rousseau imagine que l’homme pourrait guĂ©rir de son pĂ©chĂ© et s’ordonner en fonction du tout, passant ainsi d’un ordre apparent Ă  un ordre rĂ©el, Pascal sait que, parce que l’homme est pĂ©cheur, il n’y a pas d’ordre plus rĂ©el que l’ordre apparent, pas d’union plus Ă©troite que celle qui nous lie en nous opposant, pas de paix plus vraie que celle qui a la forme d’une guerre secrĂšte » Jean-Fabien Spitz, Apparence et faussetĂ© la double nature de l’ordre politique chez Pascal, Revue internationale de philosophie, n° 199, mars 1997. Questions portant sur le troisiĂšme discours 1 Quel est le sens de la distinction entre le royaume de la charitĂ© et le royaume de la concupiscence ? 2 Quelle est la mission d’un roi de concupiscence ? 3 Y a-t-il un salut possible de l’humanitĂ© dans l’ordre politique ? Correction 1 Cette distinction renvoie Ă  la distinction que St Augustin a Ă©tablie entre la citĂ© de Dieu, citĂ© cĂ©leste et la citĂ© des hommes, citĂ© terrestre Deux amours ont donc bĂąti deux citĂ©s celle de la terre par l’amour de soi jusqu’au mĂ©pris de Dieu, celle du ciel par l’amour de Dieu jusqu’au mĂ©pris de soi. L’une se glorifie en elle-mĂȘme, l’autre dans le Seigneur. L’une en effet demande sa gloire aux hommes; l’autre tire sa plus grande gloire de Dieu, tĂ©moin de sa conscience. L’une, dans sa gloire, redresse la tĂȘte; l’autre dit Ă  son Dieu Tu es ma gloire et tu Ă©lĂšves ma tĂȘte.» L’une, dans ses chefs ou dans les nations qu’elle subjugue, est dominĂ©e par le dĂ©sir de dominer; dans l’autre, on se rend service mutuellement dans la charitĂ©, les gouvernants en prenant les rĂ©solutions, les sujets en obĂ©issant. L’une, dans ses puissants, chĂ©rit sa propre force; l’autre dit Ă  son Dieu Je t’aimerai, Seigneur, toi ma force » C’est pourquoi, dans l’une, les sages vivant selon l’homme ont recherchĂ© les biens du corps ou de l’ñme ou des deux; et ceux qui ont pu connaĂźtre Dieu ne l’ont pas honorĂ© comme Dieu et ne lui ont pas rendu grĂąces, mais ils se sont fourvoyĂ©s dans leurs pensĂ©es et leur coeur insensĂ© a Ă©tĂ© obscurci; se proclamant sages [ c’est-Ă -dire s’exaltant dans leur sagesse sous la domination de leur orgueil] il sont devenus fous; ils ont troquĂ© la gloire du Dieu incorruptible contre des images de l’homme corruptible, [
] Dans l’autre citĂ© au contraire, la seule sagesse de l’homme est la piĂ©tĂ© qui rend un culte lĂ©gitime au vrai Dieu et attend pour rĂ©compense dans la sociĂ©tĂ© des saints, hommes aussi bien qu’anges, que Dieu soit tout en tous. » St Augustin, La CitĂ© de Dieu, Livre XIV, 28. La citĂ© terrestre est Ă  l’image de la nature humaine. Celle-ci est une nature dĂ©chue. Elle n’est pas encline Ă  se soumettre Ă  la loi transcendante d’amour et de justice car elle est sous l’empire des diverses concupiscences oeuvrant en elle. Le principe du mal est l’amour de soi en lieu et place de l’amour de Dieu. Telle est la corruption constitutive de notre ĂȘtre. L’homme est un nĂ©ant se prenant pour un dieu, une infime partie d’un ensemble, sans lequel il ne serait rien, se prenant pour le tout. Quel dĂ©rĂšglement de jugement, par lequel il n’y a personne qui ne se mette au-dessus du reste du monde, et qui n’aime mieux son propre bien, et la durĂ©e de son bonheur, et de sa vie, que celle de tout le reste du monde » PensĂ©es, B 456. Le conatus d’auto-affirmation comme l’appellent Hobbes et Spinoza, l’amour de soi ou l’amour-propre sont la respiration de tout existant et c’est cela le principe du dĂ©sordre terrestre. S’ils Ă©taient capables de dĂ©poser les requĂȘtes de leur cher moi », les hommes pourraient ĂȘtre unis dans une communautĂ© d’amour et de justice mais ils ne seraient plus des hommes. Ils seraient des saints or la saintetĂ© ne procĂšde pas de la force humaine, elle est la force de Dieu dans celui qu'il a Ă©lu thĂšme de la grĂące divine. C’est dire qu’extĂ©rieure Ă  la communion des saints, la citĂ© des hommes est construite sur les diverses concupiscences que chacun peut dĂ©couvrir en soi, s’il veut bien s’efforcer d’ĂȘtre lucide. Concupiscence des richesses. Concupiscence du pouvoir. Concupiscence des honneurs. La richesse, la domination, la gloire sont les valeurs de l’ordre de l’extĂ©rioritĂ© ou de la chair auxquelles il faut ajouter les valeurs de l’ordre de l’intĂ©rioritĂ© ou de l’esprit, relevant elles aussi d’une concupiscence que Pascal, Ă  la suite de St Augustin, dĂ©finit comme orgueil et curiositĂ©. Celle-ci est au principe de la sagesse des philosophes mais cette sagesse est fort peu sage au regard de la sagesse qu’est venu enseigner le Christ. En vĂ©ritĂ©, en vĂ©ritĂ© je vous le dis, personne ne peut entrer dans le royaume de Dieu s’il ne renaĂźt pas de l’eau et de l’Esprit saint. Ce qui est nĂ© de la chair, est chair ; et ce qui est nĂ© de l’Esprit est esprit. Ne vous Ă©tonnez pas de ce que je vous ai dit, qu’il faut que vous naissiez encore une fois » Evangile de Jean 3. Il s’ensuit que tout oppose le royaume de la charitĂ© et le royaume de la concupiscence. L’un unit les hommes dans l’amour de bienveillance. Chaque moi cessant de se faire le centre de tout n’existe que par et pour le tout. Le miracle de la communion des saints est celui d’un monde oĂč le moi ne se contenterait pas de limiter ses prĂ©tentions pour laisser une place aux prĂ©tentions des autres mois, mais se dĂ©poserait purement et simplement. Oubli de soi, dĂ©vouement aux autres, sacrifice de sa personne pour l'amour de Dieu. St augustin le dit magnifiquement dans le jeu d’oppositions qu’il construit. Si la citĂ© de Dieu est bĂątie sur l’amour de Dieu jusqu’au mĂ©pris de soi, l’autre l’est sur l’amour de soi jusqu’au mĂ©pris de Dieu. Si l’une tire sa gloire de sa force et de sa domination dans le concert des nations, l’autre tire sa gloire de son absorption dans la perfection divine. L’une est cohĂ©rĂ©e comme communautĂ© d’intĂ©rĂȘts, l’autre comme communautĂ© de foi. 2 Si l’ordre politique procĂšde des inclinations de la nature humaine, on comprend que les autoritĂ©s instituĂ©es n’ont de lĂ©gitimitĂ© qu’autant qu’elles assurent la satisfaction des intĂ©rĂȘts des membres du corps politique. Ces intĂ©rĂȘts sont la sĂ©curitĂ©, la prospĂ©ritĂ©, la reconnaissance comme satisfaction narcissique. La justice est le nom que les hommes donnent au systĂšme qui les comble sur tous ces points. Ainsi la monarchie, dont Montesquieu a montrĂ© qu’elle reposait sur le principe de l’honneur » a durĂ© aussi longtemps qu’elle a Ă©tĂ© capable de satisfaire ces exigences. Il s’ensuit que, quelle que soit la nature de l’ordre Ă©tabli aristocratique ou dĂ©mocratique, les hommes sont liĂ©s par la force de leurs intĂ©rĂȘts. Pascal le rappelle au futur duc de Chevreuse en lui disant que tous les puissants socialement, ne le sont pas par l’étendue de leur territoire, mais par la possession des choses que la cupiditĂ© des hommes dĂ©sirent ». Tous sont des rois de concupiscence ». Pascal voit bien ici le ressort majeur de l’ordre politique et il en tire une leçon de sagesse politique Ă  l’endroit de son Ă©lĂšve. Sans rien mĂ©connaĂźtre de son Ă©galitĂ© morale avec ceux qui seront sous son autoritĂ©, celui-ci devra veiller Ă  combler au mieux les besoins et les dĂ©sirs de ceux qui lui seront attachĂ©s par la puissance de ces mĂȘmes besoins et dĂ©sirs. [
] en connaissant votre condition naturelle, usez des moyens qu’elle vous donne; et ne prĂ©tendez pas rĂ©gner par une autre voie que par celle qui vous fait roi. Ce n’est point votre force et votre puissance naturelle qui vous assujettit toutes ces personnes. Ne prĂ©tendez donc point les dominer par la force, ni les traiter avec duretĂ©. Contentez leurs justes dĂ©sirs, soulagez leurs nĂ©cessitĂ©s, mettez votre plaisir Ă  ĂȘtre bienfaisant, avancez-les autant que vous le pourrez, et vous agirez en vrai roi de concupiscence. » Pascal invite le Grand Ă  ĂȘtre un serviteur de ceux qu’il gouverne, Ă  faire preuve d’humilitĂ©, de gĂ©nĂ©rositĂ© et de diligence dans ses fonctions. Accomplir sa tĂąche du mieux qu’il peut en Ă©vitant la brutalitĂ©, la violence, la mesquinerie. Cela Ă©tant, il fera peut-ĂȘtre le salut terrestre du peuple et le sien, il n’en sera pas pour autant moins damnĂ©. Car le salut = sauver son Ăąme, pour la sagesse christique, n’est pas dans les biens de la chair et dans ceux de l’esprit. Il est dans le mĂ©pris de la concupiscence. Certes il vaut mieux se damner en honnĂȘte homme » qu’en misĂ©rable, mais enfin le mieux serait de travailler Ă  son salut vĂ©ritable et cela passe par une conversion radicale. Mon royaume n’est pas de ce monde » disait le Christ. La sagesse en ce monde est un moindre mal, elle n’est pas le bien car Il faut mĂ©priser la concupiscence et son royaume, et aspirer Ă  ce royaume de charitĂ© oĂč tous les sujets ne respirent que la charitĂ© et ne dĂ©sirent que les biens de la charitĂ©. D’autres que moi vous en diront le chemin; il me suffit de vous avoir dĂ©tournĂ© de ces vies brutales oĂč je vois que plusieurs personnes de votre condition se laissent emporter faute de bien connaĂźtre l’état vĂ©ritable de cette condition. » Pascal reste Ă©vasif sur le chemin du salut vĂ©ritable. Le philosophe doit s’effacer ici et laisser la place au miracle de la foi. Car une conversion suppose toujours une expĂ©rience dĂ©cisive par laquelle s’opĂšre la transformation radicale d’un ĂȘtre. 3 L’analyse prĂ©cĂ©dente Ă©tablit donc qu’il n’y a pas de salut de l’humanitĂ© par la politique. Il n’y a de salut que par le don divin de la grĂące. La solution aux maux de l’humanitĂ© n’est pas politique, elle est religieuse mais elle ne dĂ©pend pas de l'homme. Son salut n'est pas entre ses mains, il est dans celles de Dieu qui sauve ou qui damne. Il s'ensuit que la citĂ© de Dieu est une espĂ©rance pour l’au-delĂ , non pour l’ici-bas. Partager Marqueursamour de dieu, amour de soi, angoisse, concupiscence, condition humaine, divertissement, droit naturel, droit positif, grĂące, grandeurs conventionnelles, grandeurs naturelles, hasard, imagination, justice, misĂšre existentielle, ordre de l'extĂ©rioritĂ©, ordre de l'intĂ©rioritĂ©, ordre de la supĂ©rioritĂ©, respect d'Ă©tablissement, respect naturel, salut
Pourles PensĂ©es de Pascal, choisir la Bible, ce n’est pas effacer la philosophie profane oĂč rĂšgne la raison, mais se situer en dehors d’elle, dans le mystĂšre, pour l’éclairer. Chestov use de l’expression de « philosophie biblique » dans un double sens : la pensĂ©e Ă  l’Ɠuvre dans la Bible elle-mĂȘme ; la philosophie de la foi qui se fonde sur la Bible. Carte mentaleÉlargissez votre recherche dans UniversalisPour Pascal, le moi Ă©tait haĂŻssable formule de moraliste, qui estime que le moi est injuste », tyrannique », qu'il se fait centre du tout ». Loin du texte, prĂšs des rĂ©alitĂ©s, Paul ValĂ©ry commente Le moi est haĂŻssable..., mais c'est celui des autres. »Pour nos contemporains, pour les prophĂštes de la mort de l'homme », le moi n'est pas seulement dĂ©testable ; il est suspect, il est dĂ©cevant, il est frelatĂ©, il est inconsistant simple effet de surface ». Ce n'est plus une formule de moraliste ; c'est une formule d'analyste. Le moi cĂšde, non sous la pression de la biensĂ©ance et de l'ascĂšse selon les Ă©quations pascaliennes politesse = moi couvert », non ĂŽtĂ© » ; piĂ©tĂ© = moi anĂ©anti », mais sous les coups de l'Ă©pistĂ©mologie. C'est que nos contemporains ont lu Marx, Freud, Nietzsche. Ils ont appris que la vĂ©ritĂ© du moi n'est pas dans le moi, qu'elle est dans l'infrastructure Ă©conomique, dans l'inconscient, dans le rapport de la force Ă  la force comme affirmation de la vie. Mieux encore ils ont appris du linguiste, du logicien, du biologiste, en gĂ©nĂ©ral de la nouvelle science de l'homme, pourquoi et en quoi il importe de substituer Ă  la notion humaniste de l'homme un objet d'Ă©tude anthropologique qui n'a plus rien d'anthropomorphique, qui n'est qu'une variante entre beaucoup d'autres d'un thĂšme organisateur partout rĂ©pandu dans le social comme dans le vital, dans l'animĂ© comme dans l'inanimĂ©, car la science n'atteint que du cosmique au sens grec du rangĂ©, du disposĂ©, du distribuĂ©, du dĂ©jĂ  rĂ©parti. C'est pourquoi ce théùtre d'ombres qu'est la conscience ne les intĂ©resse plus. Le mirage se dissipe. Le moi disparaĂźt avec l'Ă©moi. LĂ  oĂč Ă©taient l'agitation, la prĂ©tention, et aussi l'insatisfaction, ont pris place l'ordre, la syntaxe, la quoi on pourrait opiner que l'effacement du sujet » prĂ©pare de belles revanches et que, dĂ©jĂ , sous nos yeux, s'amorce la rĂ©action, le mouvement compensateur Ă©loge de la diffĂ©rence, de la singularitĂ©, Ă©loge de ce qui rĂ©siste Ă  la logique, de ce qui heurte et fracture le systĂšme les mauvaises langues, les esprits de peu disent mĂȘme que le paradoxe est grand d'une Ă©poque oĂč le moi tombe en disgrĂące et s'Ă©rige en souci, oĂč il s'abolit, se dorlote, rĂ©clame Ă  la fois d'ĂȘtre dissous, soignĂ©, compris, guĂ©ri.Une observation plus gĂ©nĂ©reuse Ă©loigne des jugements simplistes. Il y a bien deux courants dans la philosophie de notre temps un courant logique ou logiciste et un courant antilogique, plus exactement hĂ©tĂ©rologique, pour reprendre un terme de Georges Bataille. Mais ces deux courants se complĂštent plus qu'ils ne s'opposent, et mĂȘme ils s'accordent lorsqu'il s'agit de mettre le moi en sont les techniques conceptuelles de la science, la formalisation logique, qui permettent d'ordonner l'humain, le qualitatif de l'homme, comme elles ordonnent le physique, le qualitatif de la nature une mathĂ©matique de l'ordre se distingue d'ailleurs d'une mathĂ©matique de la quantitĂ©. Ce sont elles qui dĂ©gonflent le mieux, qui crĂšvent comme bulle la fausse intĂ©rioritĂ© de la conscience. S'il n'y a plus de moi, si le sujet psychologique n'Ă©tait qu'enflure, redondance, construction en trompe l'Ɠil, c'est parce qu'un schĂ©ma structural a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© sous le dĂ©sordre des apparences. MĂȘme les mythes, la foison des mythes, le foisonnement du mythe recouvrent une algĂšbre de l'Ă©change, un arrangement du monde et de la sociĂ©tĂ©, une rĂ©glementation du rapport Ă  autrui et, par contrecoup, du rapport de soi Ă  soi.En mĂȘme temps, non contradictoirement, c'est une volontĂ© de transgression, un appĂ©tit de contestation radicale qui a dĂ©fait le moi, qui a sapĂ© ses Ă©difices imaginaires et qui l'a finalement repliĂ© dans une totalitĂ© anonyme, dans un ordre de base que dissimulait ou falsifiait la conscience subjective. On a dĂ©truit ses effets », mais pour le rendre Ă  ses causes. ManƓuvre rĂ©ussie grĂące Ă  la science et nĂ©anmoins initiative venue de pl [...]1 2 3 4 5 
pour nos abonnĂ©s, l’article se compose de 19 pagesÉcrit par ancienne Ă©lĂšve de l'École normale supĂ©rieure, agrĂ©gĂ©e de l'UniversitĂ©Henry DUMÉRY professeur de philosophie Ă  l'universitĂ© de Paris-X-NanterreClassificationPhilosophieHistoire de la philosophie occidentalePhilosophiePhilosophie gĂ©nĂ©raleÊtrePhilosophiePhilosophie gĂ©nĂ©raleIdentitĂ©PhilosophiePhilosophie gĂ©nĂ©raleSujetSciences humaines et socialesPsychanalyseThĂ©orie psychanalytiqueAutres rĂ©fĂ©rences MOI » est Ă©galement traitĂ© dans AGRESSIVITÉÉcrit par Pierre KAUFMANN ‱ 3 100 mots L'importance qu'a prise le concept d'agressivitĂ© dans le dernier Ă©tat de la pensĂ©e freudienne tient Ă  la position privilĂ©giĂ©e qu'il occupe au point d'articulation, d'une part, des processus rĂ©gressifs auxquels prĂ©side la pulsion de mort, d'autre part, de l'organisation culturelle animĂ©e par l'expansion d' Éros. De lĂ  vient son intĂ©rĂȘt thĂ©orique s'il est vrai que l'avatar agressif de la pulsion [
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] Si l' art romantique semble se dĂ©finir par ses thĂšmes et par la galerie de ses hĂ©ros plutĂŽt que par ses formes, c'est que le romantisme a plus facilement et plus vite trouvĂ© son expression littĂ©raire. En fait, il s'agit d'indices plus que d'Ă©lĂ©ments constituants. Et, si l'on envisage le romantisme non pas comme une simple appellation qui couvre indistinctement une tranche chronologique, mais comme [
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2408/2022 Ă  17:46. En tant que Belge, (je prĂ©cise parce que nous n'en sommes pas au mĂȘme point niveau transidentitĂ© etc), un ĂȘtre humain qui se dit homme est un homme. Un ĂȘtre humain qui se dit femme est une femme. Peu importe ses organes reproducteurs, son physique, sa construction sociale. C'est aussi simple que ça.
durĂ©e 000457 - Un Ă©tĂ© avec Pascal - par Antoine Compagnon - Dans le cadre de la philosophie naturelle, le moi est une rĂ©alitĂ© indubitable, dont nous avons le sentiment immĂ©diat, mais cette rĂ©alitĂ© est incomprĂ©hensible. Chaque homme est une personne, mais cette personne est indĂ©finissable....Read LessdurĂ©e 000457 - Un Ă©tĂ© avec Pascal - par Antoine Compagnon - Dans le cadre de la philosophie naturelle, le moi est une rĂ©alitĂ© indubitable, dont nous avons le sentiment immĂ©diat, mais cette rĂ©alitĂ© est incomprĂ©hensible. Chaque homme est une personne, mais cette personne est indĂ©finissable....Read Less Quiest la chĂ©rie du chanteur ? Connue sous le nom de Julie Hantson, elle est avant tout un mannequin.Et apparemment, cette jeune femme a fait des miracles dans la vie de Pascal Obispo. À tel point que le chanteur s’est inspirĂ© d’elle pour Ă©crire une de ses chansons.. C’est ainsi que le titre « Et Bleu » a vu le jour. D’autant plus qu’ils l’ont chantĂ© ensemble !
Blaise Pascal une rĂ©flexion sur Dieu, la mort et les passions Blaise Pascal, philosophe, esprit universel et penseur religieux, est l’auteur d’une Ɠuvre Ă  la fois scientifique, philosophique et religieuse. Pascal est considĂ©rĂ© comme le prĂ©curseur de la philosophie existentialiste, dĂ©veloppĂ©e plus tard par Kierkegaard, Heidegger et Sartre. C’est la misĂšre de l’homme privĂ© de Dieu que Pascal souligne dans les PensĂ©es. Au contraire, en Dieu, l’homme peut s’ancrer spirituellement. Croire en Dieu est le parti le plus raisonnable. Qu’est ce que l’homme selon Pascal ? A cette question, Pascal apporte, tout d’abord, une rĂ©ponse psychologique il place l’homme en face de lui-mĂȘme et fait un constat de vide et de vacuitĂ©. C'est la cĂ©lĂšbre thĂšse du roseau pensant. – C’est l’inconsistance qui domine dans l’humaine nature. – Parlons donc de vanitĂ©, au sens Ă©tymologique de ce terme latin vanitas, vide, comme caractĂšre de ce qui est creux et inconsistant. – La vanitĂ© est encrĂ©e dans le cƓur de l’homme le moi est haĂŻssable. VouĂ© au vide et Ă  la vacuitĂ©, l’homme goĂ»te non seulement les plaisirs de la vanitĂ© chacun veut avoir ses admirateurs
, mais aussi les prestiges de la trompeuse imagination, cette maitresse d’illusion et d’erreur – L’imagination dĂ©signe une puissance qui interdit Ă  l’homme l’accĂšs au vrai et dĂ©forme la rĂ©alitĂ© en grossissant les petites choses et en amoindrissant les grandes. – Ainsi sont grossis, par exemple, les illusions et petits objets de l’amour-propre, compris, au sens ancien et pĂ©joratif du terme, comme amour de soi et Ă©goĂŻsme. En quoi consiste l’amour-propre ? A n’aimer que soi et [
] ne considĂ©rer que soi » Le divertissement selon Pascal La lutte de l'homme contre sa misĂšre mĂ©taphysique EgarĂ© par l’amour de soi et les puissances trompeuses de l’imagination, l’homme est vouĂ© Ă  la mauvaise foi il refuse de prendre conscience de son nĂ©ant, qu’il expĂ©rimente, tout particuliĂšrement, dans l’ennui, sentiment pĂ©nible de vide causĂ© par le dĂ©sƓuvrement ou l’absence de passion Ă©tant liĂ© au plein repos, sans occupations ni affaires. Cette prise de conscience de son nĂ©ant, l’homme la fuit dans le divertissement, c’est-Ă -dire dans tout ce qui nous dĂ©tourne du spectacle de notre misĂ©rable condition, inscrite dans le temps et dans la mort, tout ce par quoi nous fuyons la pensĂ©e de notre nĂ©ant le jeu et l’amusement, mais aussi le travail et l’activitĂ©. – Le divertissement perpĂ©tuel nous dĂ©robe Ă  nous-mĂȘmes et nous interdit la rĂ©flexion. La foi et l’ordre du cƓur Mais la rĂ©ponse Ă  la question Qu’est-ce que l’homme ? » relĂšve aussi de la religion. – MisĂšre de l’homme sans Dieu, fĂ©licitĂ© de l’homme avec Dieu ». – Par la foi, l’homme peut, en effet, Ă©chapper Ă  la sphĂšre inconsistante qui est sienne et connaĂźtre la fĂ©licitĂ©. Que dĂ©signe la foi ? – Une rĂ©vĂ©lation immĂ©diate et intĂ©rieure de Dieu, obtenue grĂące au cƓur, spontanĂ©itĂ© connaissante et intuitive, participant Ă  l’affectivitĂ©, vraie force agissante liĂ©e au sentiment et saisissant Dieu sans intermĂ©diaires. Nous connaissons la vĂ©ritĂ© non seulement par la raison la connaissance discursive, allant Ă  l’universel mais aussi par le cƓur, c’est-Ă -dire l’intuition. Autrement dit, le coeur a des raisons que les raison ne point. Mais comment dĂ©cider l’incrĂ©dule Ă  dĂ©passer le divertissement pour atteindre la sphĂšre de la foi et du divin ? – Ici prend place le cĂ©lĂšbre pari, qui ne constitue nullement une dĂ©monstration de l’existence de Dieu, mais un argument tendant Ă  montrer aux incroyants qu’en pariant pour l’existence de Dieu, ils n’ont rien Ă  perdre, mais tout Ă  gagner. – Si l’on gagne, on gagne tout la fĂ©licitĂ© Ă©ternelle. – Si l’on perd, on ne perd rien une existence misĂ©rable, finie et prĂ©caire. – Croire en Dieu est donc un parti trĂšs raisonnable l’homme a tout intĂ©rĂȘt Ă  parier pour la religion chrĂ©tienne. Pascal et l’art de persuader Il s’agissait, pour Pascal, de persuader les incroyants et de les mener Ă  Dieu. Tel Ă©tait le dessein des PensĂ©es. – Or, pour ce faire, Pascal a mis en Ɠuvre une rhĂ©torique dont il faut dire un mot un peu plus loin. – Ainsi a-t-il distinguĂ© l’art de convaincre, c’est-Ă -dire d’obtenir l’adhĂ©sion de l’esprit Ă  l’aide de preuves rationnellesen dĂ©montrant rationnellement la vĂ©ritĂ© d’une proposition, en influençant l’intelligence, et celui de persuader, qui consiste autant en celui d’agrĂ©er qu’en celui de convaincre. – AgrĂ©er, c’est plaire et intĂ©resser, en recherchant une correspondance entre l’esprit de celui Ă  qui l’on parler et l’expression dont on se sert. La rhĂ©torique et l’argumentation pascaliennes sont donc trĂšs subtiles. Elles ne nĂ©gligent ni l’art de convaincre ni celui d’agrĂ©er. Elles unissent esprit de gĂ©omĂ©trie, c’est-Ă -dire raisonnement discursif, dĂ©ductif et dĂ©monstratif, et esprit de finesse, dĂ©fini comme intuition et discernement juste et immĂ©diat d’élĂ©ments complexes. – Pour conduire Ă  Dieu l’incroyant, Pascal a Ă©difiĂ© une rhĂ©torique synthĂ©tique et perspicace. Par son analyse du drame de l’existence humaine et sa subtile rhĂ©torique destinĂ©e Ă  nous conduire Ă  Dieu, Pascal apparaĂźt Ă©tonnamment moderne. C’est le langage de notre monde contemporaine qu’annoncent les PensĂ©es. Oeuvres de Blaise Pascal – Essai sur les coniques 1639 – PrĂ©face pour un traitĂ© du vide 1647 – Les Provinciales 1656-1657 – De l’esprit de gĂ©omĂ©trie posthume – Les brouillons qui constitueront les PensĂ©es 


Lhypnose conversationnelle cristallise un vieux dĂ©bat du monde de l’hypnose entre ceux qui pensent que tout est hypnose et dont le modĂšle s’articule autour du principe de la suggestion. Et ceux qui considĂšrent que l’hypnose est un Ă©tat trĂšs spĂ©cifique et qui s’intĂ©ressent davantage Ă  la nature de l’état en question.

Philosophie Pascal Qu’est ce que le moi » » Qu’est-ce que le moi ? Quel type de question est introduit par la locution » qu’est-ce que » ? Il s’agit de la question de la dĂ©finition ou, en termes philosophiques, la question de la nature ou de l’essence. Il s’agit donc de s’interroger sur la nature du » moi , c’est-Ă -dire de la personne. On dĂ©finit ordinairement la personne Ă  la fois comme un tout, une unitĂ© mais aussi comme une individualitĂ© qui la rend diffĂ©rente des autres. Examinons la rĂ©ponse de Pascal. Un homme qui se met Ă  la fenĂȘtre pour voir les passants, si je passe par lĂ , puis-je dire qu’il s’est mis lĂ  pour me voir ? Non ; car il ne pense pas Ă  moi en particulier. i’ Pascal commence Vipe next page par examiner les qua celui de la qualitĂ© d’ĂȘ individualitĂ©. Etre pas nt, c’e ne se distingue pas d monde Lhomme q ier exemple est nt n’est pas une in du quelconque, qui onsieur-tout-le- me » voit pas. Il ne me regarde pas comme un ĂȘtre » particulier Le rĂŽle de ce passage est donc de montrer que le moi ne se situe pas dans la gĂ©nĂ©ralitĂ© indistincte. Je ne peux me dĂ©finir comme passant, ni comme homme, car je suis plus que cela je suis quelqu’un qui se distingue des autres. Ajoutons que je suis encore moins assant que je ne suis homme car ĂȘtre passant est une qualitĂ© accidentelle, contingente, attribuĂ©e de l’extĂ©rieur. Je suis un passant pour celui qui me regarde, mais pas en moi-mĂȘme. Je ne suis pas » passant » par nature. Celui qui me regarde et me qualifie de » passant » est indiffĂ©rent Ă  l’égard du moi. Mais celui qui aime quelqu’un Ă  cause de sa beautĂ©, l’aime- t-il ? Non; car la petite vĂ©role, qui tuera la beautĂ© sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. » Nous avons vu que la personne se situe dans l’individualitĂ©, la particularitĂ©. Or qu’est-ce qui me diffĂ©rencie des autres ? En premier lieu » premier » parce que cela se voit, de façon Ă©vidente, ce qui me distingue d’autrui est mon apparence physique. Mis Ă  part le cas trĂšs particulier des jumeaux monozygotes, nous sommes physiquement des ĂȘtres dissemblables. Est-ce qu’on pourra alors dĂ©finir le moi par l’aspect physique, dans la mesure oĂč il m’est propre ? On remarquera que Pascal ne parle pas du corps en gĂ©nĂ©ral mais d’une qualitĂ© du corps la beautĂ©. La question est posĂ©e sous le biais de l’exemple de l’amour. L’amour est une passion humaine mais elle a aussi un sens thĂ©ologique. Dieu est amour et nous devons aimer Dieu elon la religion catholique. Quand il s’agit d’un texte de Pascal, cela doit Ă©veiller notre attention. Quand on m’aime pour mon physique, m’aime-t-on, moi ? Si n’importe qui peut ĂȘtre regardĂ© comme passant, on ne peut pas aimer n’importe qui pour sa beautĂ©. M’aimer pour ma beautĂ© n’est pas ĂȘtre indiffĂ©rent pour ma personne. Pourtant, dit Pascal, celui qui 2 M’aimer pour ma beautĂ© n’est pas ĂȘtre indiffĂ©rent pour ma personne. Pourtant, dit Pascal, celui qui m’aime pour ma beautĂ© ne m’aime pas, moi, car il cessera de m’aimer si cette beautĂ© disparaĂźt. Rappelons que la petite vĂ©role est le om donnĂ© autrefois Ă  la variole, maladie qui dĂ©figurait ceux qu’elle ne tuait pas. Cette maladie, aujourd’hui disparue, Ă©tait frĂ©quente Ă  l’époque. La beautĂ© ne fait pas partie de ma nature puisqu’elle peut disparaĂźtre avec la maladie. Elle est un accident. Le raisonnement de Pascal ne se fonde-t-il pas ici sur un prĂ©supposĂ© ? Pascal prĂ©suppose que le changement physique ne me change pas. Or, est-ce si sĂ»r ? Je me sens toujours moi- mĂȘme mais n’ai-je pas changĂ© ? Peut-on s’abstraire ainsi de son apparence ? Peut-on s’abstraire du regard des autres sur soi, regard qui ne sera pas le mĂȘme si je suis beau ou si je suis Ă©figurĂ© par la maladie ? Le corps n’est-il effectivement qu’une apparence ou a-t-il des rĂ©percussions sur notre individualitĂ©, notre personne, notre comportement, notre maniĂšre de penser, de juger, d’ĂȘtre, bref sur notre personne ? Pascal semble dire ici que cela n’a aucune incidence sur ce que je suis. Etsi on m’aime pour mon jugement, pour ma mĂ©moire, m’ame-t-on, moi ? Non ; car je puis perdre ces qualitĂ©s sans me perdre moi-mĂȘme. » Nous franchissons ici un nouveau pas dans l’énumĂ©ration et la dĂ©marche par Ă©limination. Puisque nous n’avons pas trouvĂ© le moi dans les qualitĂ©s physiques, ne pourrons-nous pas 3
Laquestion initiale de Pascal subit un dĂ©placement, le moi cesse progressivement de faire l'objet d'une recherchedĂ©finitionnelle de type mĂ©taphysique pour devenir l'objet introuvable d'un amour impossible. Le moi n'existe que dansl'amour, celui que l'on se porte Ă  soi-mĂȘme, celui qu'on nous porte en tant que nous sommes aimĂ©.
JĂ©sus prend son dernier repas avec les douze ApĂŽtres dans la salle dite du CĂ©nacle ». Saint Paul et les Ă©vangĂ©listes Marc, Luc et Matthieu rapportent les rĂ©cits de la CĂšne au cours de laquelle, en prenant le pain et le vin, le Christ rend grĂące et offre son Corps et son Sang pour le salut des hommes. Au cours de ce repas, JĂ©sus va se mettre Ă  genoux devant chacun de ses disciples et leur laver les pieds. Il prend la tenue de serviteur et dit C’est un exemple que je vous ai donnĂ© afin que vous fassiez vous aussi comme j’ai fait pour vous. » Au cours de la messe cĂ©lĂ©brĂ©e avec solennitĂ©, on rĂ©pĂšte le geste du lavement des pieds. Demeurez ici et veillez avec moi. AprĂšs ce repas de la CĂšne, l’heure de l’épreuve approchant, le Christ se rend au jardin des Oliviers avec les apĂŽtres pour veiller et prier. Le Jeudi Saint, l’Église cĂ©lĂšbre la messe en mĂ©moire de la CĂšne du Seigneur », puis le Saint Sacrement est dĂ©posĂ© au reposoir », l’autel est dĂ©pouillĂ©, la croix est enlevĂ©e et voilĂ©e. Tout ce dĂ©pouillement le Christ est entrĂ© dans sa passion, dĂ©pouillĂ© de tout. C’est une nuit d’adoration, les fidĂšles s’unissent Ă  la priĂšre du Christ ce soir-lĂ , en veillant auprĂšs du Saint-Sacrement le pain et le vin consacrĂ©s au cours de la messe jusque tard dans la nuit. POUR MIEUX COMPRENDRE À l’AssemblĂ©e PlĂ©niĂšre des Ă©vĂȘques Ă  Lourdes novembre 2021, les Ă©vĂȘques ont choisi d’écouter la parole de personnes en situation de prĂ©caritĂ© en France, en rĂ©ponse Ă  l’Évangile et aux appels du pape François. Le PĂšre Guillaume, du diocĂšse de Toulouse nous parle du Jeudi saint. Il Ă©voque notamment la CĂšne et le lavement des pieds. L’abbĂ© Robert Gendreau du diocĂšse de MontrĂ©al nous explique le Jeudi Saint. Au temps de JĂ©sus, lorsqu’on Ă©tait invitĂ©, le serviteur de l’hĂŽte lavait les pieds de l’invitĂ©. Les personnages des vitraux de la cathĂ©drale de Strasbourg prennent vie. Une nouvelle façon d’entendre la Parole de Dieu.
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